mardi 31 mai 2011

Affaire Dominique-Gaston Strauss-Khan et Nassifatou Diallo : Quand le FMI continue de baiser l'Afrique

AFFAIRE DOMINIQUE GASTON STRAUSS-KAHN ET NASSIFATOU DIALLO : QUAND LE FMI CONTINUE DE BAISER L’AFRIQUE
par Daniel Nkouta


Aussitôt annoncée ce dimanche matin, l’arrestation de Dominique Gaston Strauss-Khan pour exubérance sexuelle avérée ; les médias français ont inondé le monde entier des déclarations tout aussi tapageuse, ridicules que mensongères, proclamant la victimisation du Directeur Général du FMI que l’on a constamment présenté comme un homme de moralité à l’abri du doute. A droite comme à gauche en passant par le centre dans l’Hexagone on a menti sans sourciller, mais non sans gêne tout de même, tentant de faire oublier le fait que l’homme dont s’agit est un multirécidiviste, un récalcitrant à l’appétence sexuelle constamment et puissamment en alerte.

Comme l’affaire concerne un dignitaire politique français, l’on a cru devoir orchestrer un tintamarre assourdissant fait des jérémiades par lesquelles l’on s’insurge contre les images de Dominique Strauss-Kahn menotté et la retransmission de son procès qui ont pu choquer, car en France, le prétendu pays des droits de l’homme, on a beau proclamer l’égalité de tous devant la loi : LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE, il existe dans le pays de Sarkozy une justice pour le citoyen lambda, et une autre justice pour les VIP. Ici, l’on a simplement oublié que de nombreux ressortissants d’Afrique noire, notamment du Mali, arrêtés puis expulsés pour immigration dite illégale, ont été trimballés menottés avec images largement diffusées par les chaînes françaises.

Personne ne se souvient, curieusement, que quelques mois à peine encore, Laurent KOUDOU GABGBO, Chef d’Etat, arrêté par les troupes françaises puis remis entre les mains des rebelles d’Alassane Dramane OUATTARA, son adversaire Président élu par quelques puissances occidentales et l’Union Européenne, a été publiquement humilié avec son épouse manifestement violentée ; ces images humiliantes tournées en boucle par la télévision française ont été diffusées dans le monde entier par des chaînes françaises, sans qu’à aucun instant, une seule protestation se soit élevée en France.

L’on nous a ensuite, une semaine durant, rabâché le sacrosaint principe régulièrement appliqué de façon discriminatoire en France, la fameuse présomption d’innocence. La présomption d’innocence, cela signifie que toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction est considérée comme innocente tant qu’elle n’a pas été reconnue coupable par le tribunal qui a jugé l'affaire.

En France, ce principe est affirmé par l’article 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, et par la jurisprudence. Il est également affirmé par l'article 6-2 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales qui proclame : « toute personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

La même France officielle qui, par son Armée qui ne gagne les guerres qu’en Afrique noire, a enlevé le Président Laurent KOUDOU GBAGBO pour le remettre entre les mains des rebelles à la solde de Alassane Dramane OUATTARA son adversaire Président élu par quelques puissances occidentales et l’Union Européenne, l’accusant d’avoir commis des crimes contre l’humanité, sans se souvenir de la présomption d’innocence, car, depuis cet enlèvement contraire au Droit international, le Président Laurent KOUDOU GBAGBO dont la culpabilité n’a jamais été reconnue par la moindre juridiction, croupit dans les geôles de OUATTARA.

On nous dira alors que Laurent KOUDOU GBAGBO n’est qu’un pauvre nègre, la notion de la préservation de l’image de la personne ne vaut que pour les Blancs. A nous autres donc pauvres nègres Africains de comprendre. Mais, de là à daigner ignorer qu’aux Etats-Unis d’Amérique, la notion d’égalité devant la loi vaut pour tout le monde, VIP ou pas, c’est l’expression grandeur nature de la sottise souverainement française.

Aujourd’hui, l’Afrique a de quoi rigoler très largement. L’on se souvient en effet encore de l’affaire dite « Arche de NOE », cette tentative d’enlèvement d’enfants tchadiens, par un groupe de boyscoutistes-tiermondistes français, dans laquelle, pour des besoins électoralistes, Nicolas Sarkozy ignorant la souveraineté de l’Etat tchadien avait proclamé qu’il irait personnellement chercher ces compatriotes pour les ramener en France, ce qu’il fit immédiatement. L’Afrique avait jusqu’ici espéré que cette fois aussi, Monsieur Nicolas Sarkozy nous ferait sinon la même démonstration de force en allant récupérer son compatriote à New York, au moins, profiter de la tenue du G8 en France, pour exiger de son homologue, Barak Hussein Obama, la libération immédiate de Dominique Gaston Strauss-Khan.

Nous croyons même savoir que l’affaire n’a pas été évoquée à l’occasion car, que l’on ne se trompe pas, l’arrestation de Dominique Gaston Strauss-Khan, secret de polichinelle, nous semble être un bon traquenard, pour défaut de reconnaissance, ou violation de pacte secret : « Je te fais nommer au FMI, à la condition que tu ne gênes pas ma candidature à la prochaine présidentielle en t’abstenant d’être candidat ».

Ainsi, les Français devraient comprendre, avec ce faisceau de faits, qu’en s’insurgeant contre l’immigration subsaharienne réputée être un fléau pour la stabilité de la France, ils se trompent lourdement de diagnostic. Que dire de certains lobbies qui contrôlent, en France comme aux USA, tous les circuits politiques, médias, éducationnels, etc. ? Aucun secteur, aucun pan de la société n’échappe à leur contrôle...

L’on a donc beau nier les faits, comme l’a écrit Arthur de Gobineau dans son Essai sur l’inégalité des races humaines : « On s'est montré disposé à admettre que nulle cause extérieure n'avait sur une société une prise mortelle, tant qu'un principe destructif né d'elle-même et dans son sein, inhérent, attaché à ses entrailles, n'était pas puissamment développé, et qu'au contraire, aussitôt que ce fait destructeur existait, le peuple, chez lequel il fallait le constater, ne pouvait manquer de mourir, fût-il le mieux gouverné des peuples, absolument comme un cheval épuisé s'abat sur une route unie ».

Ceci pour dire que ce ne sont donc pas, loin s’en faut, les Nègres venus du Sud du Sahara, ou les Arabes venus du Maghreb qui menaceraient l’avenir de l’Hexagone ; le danger pour la France gît ailleurs. Et si cette affaire « Dominique Gaston Strauss-Khan », qui déteint la crédibilité de la France tout entière, n’était en réalité qu’un complot monté de toute pièce par un lobby politique ?

En effet, dans ce drame où les pulsions sexuelles s’expriment avec ardeur, l’Afrique a beau avoir été une fois encore bien baisée par le FMI, car c’est une jeune femme guinéenne qui a dû être contrainte et forcée de faire la pipe à Dominique Gaston Strauss-Khan, l’on comprend mieux maintenant pourquoi l’ancienne Garde des Sceaux, Rachida Dati, avait cru devoir dire que fellation et inflation signifiaient la même chose ; cet épisode pornographique nous donne  tout de même à constater qu’en France, si l’on est pas violeur, on est PD.

Aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, il est certain, Dominique Gaston Strauss-Khan, avec son palmarès libidineux qui fait de lui le pervers ou prédateur sexuel le plus célèbre de la classe politique française, ne pouvait depuis longtemps espérer le moindre suffrage populaire. Mais en France, le scandale n’existe pas, quelle que soit sa conduite sociale, l’accès à l’Elysée reste possible ; après tout, quel est le Prédisent français, à l’exclusion de Charles de Gaulle, qui n’a pas fait la démonstration des ses caractéristiques tactico-techniques tactiles en matière sexuelle ?

C’est ici toute la différence entre l’Africain et l’homme Blanc, car chez nous, comme Jacob Zuma, lorsque l’on veut d’une autre femme, on la prend à la maison. Interdire la polygamie est une chose, être à même de se contenter d’une seule femme pour assumer la monogamie, c’en est un autre.

Daniel NKOUTA

vendredi 27 mai 2011

ACCAPAREMENT DES TERRES : Au Sénégal, des chercheurs crient au scandale

Senenews | le 19 mai 2011

SENENEWS.COM – Des milliers de familles paysannes sont déplacées de leurs terres, une situation qui provoque l’ire des chercheurs. Selon eux, les autorités doivent avoir plus avoir de considération envers les populations paysannes.

Des investisseurs et des grandes entreprises se ruent sur les terres agricoles dans les pays du sud. Des milliers de familles paysannes sont déplacées de leurs terres et perdent souvent leurs moyens de subsistance. La colère noire chez les petits paysans et paysannes du Sénégal : « Nous observons un regain d’intérêt pour nos terres, des acheteurs s’emparent de très grandes surfaces acquises avec des facilités dérangeantes » affirme Mr Ndiogou fall Sénégalais et président exécutif de la Roppa (Réseau des organisations paysannes et des producteurs d’Afrique de l’ouest). De son avis, il pense que cela n’est pas conforme aux règles du jeu. « Des communautés entières ont été dépossédées de leurs terres au profit d’investisseurs étrangers. Certains Etats n’ont pas hésité à procéder à la déforestation massive pour satisfaire ces capitaux étrangers » a-t-il laissé entendre.

Pour les familles des petits paysans, ce phénomène a des conséquences fatales. « Ce sont les gouvernements corrompus qui acceptent l’accaparement de leurs terres, en tirant profit au lieu d’utiliser ces terres pour assurer la sécurité alimentaire de leur population » ont –ils laissé entendre. De l’avis des chercheurs, chaque gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que les accords signés avec le secteur privé soient négociés de manière transparente et que les droits humaines soient respectés.

Pour lutter contre les risques que représente l’accaparement des terres, les chercheurs estiment avec force qu’il est important d’utiliser les instruments des droits humains qui existent déjà. Ils ont mis en évidence le besoin d’utiliser en priorité les instances et instruments au niveau national. Plusieurs systèmes juridiques nationaux protégent les droits violés dans leurs constitutions. Au niveau international, il y’a également des instances qui peuvent être saisies, comme les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies.

Mamadou Lamine Mané
Source: Senenews

[SENEGAL] LUTTE CONTRE L'ACCAPAREMENT DES TERRES : Vers la mise en place d'un plan d'action

SudOnline | le 19/05/2011
LUTTE CONTRE L’ACCAPAREMENT DES TERRES
Vers la mise en place d’un plan d’action

par Mamadou Amadou DIOP

Le phénomène de l’accaparement des terres qui se développement à travers le monde n’épargne pas le Sénégal. Au niveau de Dakar, il est matérialisé par les récurrents problèmes fonciers dans les localités de Yenne, Sangalkam et Bambilor. C’est pour faire face à cela, qu’un atelier national de deux jours, (18 au 19 mai) a été ouvert depuis hier à Dakar. Cette rencontre qui a réunis les acteurs du foncier et les acteurs stratégiques permettra d'échanger sur des cas concrets afin d’identifier des pistes d’action pour lutter contre le phénomène et disposer d’élément de plan d’action.
  
 L’accaparement des terres constitue un des phénomènes les mieux partagés au Sénégal. Au Sénégal, Selon des études menées sur la question,  les affectations réalisées auprès d’investisseurs privés nationaux (autorités politiques, religieuses, hommes d’affaires, etc.) et internationaux (sociétés privées souvent appuyées par leurs Etats d’origine) se situent entre 450 et 600 000 ha, soit 30 à 40% des réserves foncières du pays. C’est du moins la problématique dégagée à l’occasion de l’ouverture hier, mercredi 18 mai du séminaire national sur le phénomène de l’accaparement des terres.

«  A cette situation, il vient s’ajouter le récent découpage territorial initié par l’Etat érigeant Sangalkam en commune et Bambilor en communauté rurale qui d’après certaines population constitue une stratégie pour prendre leurs terres. C’est pour faire face à cela que le rassemblement africain pour le développement intégré (Radi) et Christian Aid dans le cadre du projet d’appui à une réforme foncière favorable à une agriculture Pra que cet atelier a été organisé. Cette rencontre de deux jours qui a regroupé des acteurs fonciers des localités de Bambilor, Sangalkam, et yenne ainsi que des acteurs de la société civile permettra de faire l’état des lieux actuel du phénomène, échanger sur des cas concrets afin d’identifier des pistes d’action pour lutter contre le phénomène et disposer d’élément de plan d’action.

Selon Kabir Ndiaye le coordonnateur régional du Radi, « nous voulons réfléchir sur un problème qui nous interpelle tous. C’est pourquoi dans le cadre du projet agriculture Pra, nous examinons la politique foncière au Sénégal et les textes sur le foncier et élaborer le cadre juridique à ces problèmes ». Toute chose qui se justifie par le fait que , « le phénomène pas encore bien maîtrisé , documenté pour être combattu ». M.Ndiaye ajoutera qu’, « aujourd’hui, il d’agit d’échanger des informations et voir les actions de prévention et de réparation par rapport à l’accaparement des terres ».
Source: SudOnline

La Suisse et l'accaparement des terres

Domaine public | 25 mai 2011
Federico Franchini

Depuis la crise de 2008, le phénomène du landgrabbing – l’accaparement de terres dans les pays en développement – a pris de l’ampleur, surtout à cause de l’intérêt de plus en plus marqué du secteur financier pour les investissements agricoles.

Les terres fertiles font désormais partie des portefeuilles d’investissement et hedge founds proposés par les banques. Ces achats peuvent être purement spéculatifs, dans l’attente d’une augmentation de la valeur des terrains. Ou l’acheteur investit pour tirer profit d’une production agricole.

Dans une récente interpellation, la conseillère nationale verte Maya Graf demande que la Suisse prenne des mesures pour limiter ce genre de pratiques. La Suisse en tant qu’Etat ne participe pas directement à cet accaparement. Mais elle abrite de nombreuses sociétés actives dans ce domaine.
Les sociétés qui achètent des terres pour des projets de production

Ce sont des sociétés actives directement sur le terrain, dans la production d’agrocarburants par exemple. C’est le cas d’Addax Bioenergy, société basée à Genève. Elle a investi dans un projet en Sierra Leone qui prévoit, sur 10’000 hectares de terres fertiles, de cultiver de la canne à sucre pour produire des biocarburants à destination du marché européen.

Le gouvernement a signé avec l’entreprise un contrat très favorable à cette dernière, notamment en matière fiscale. Si, selon ses promoteurs, le projet doit contribuer au développement agricole local, il provoque néanmoins l’inquiétude des organisations de lutte contre la faim et de défense des paysans.

Si l’activité d’Addax est discutable au regard de la famine qui frappe ce pays, il faut noter tout de même les efforts de la société suisse en matière d’information. Les études d’impact économique et social qu’elles a commandées montrent toutes les limites et les risques du projet.

Glencore, cotée en bourse depuis quelques jours, est leader mondial de l’extraction de minéraux, métaux et du commerce de matières premières. Elle possède déjà 300’000 hectares de terres agricoles dans le monde.
Les sociétés liées au commerce de matières premières

D’autres sociétés basées en Suisse agissent beaucoup plus dans l’ombre, ce qui rend difficile le travail de vigilance. L’exemple de la société zougoise Multigrain AG (MAG), cité dans un rapport d’une ONG spécialisée, montre le jeu complexe qui se cache derrière ce genre d’activité et qui lie l’accaparement de terres au négoce de matières premières.

MAG est active dans la production, la distribution, le transport de céréales d’origine brésilienne. En 2007, par sa filiale brésilienne Multigrain SA, elle a joué le rôle d’intermédiaire pour la société japonais Mitsui dans l’achat de 100’000 hectares de terres brésiliennes. Récemment Mitsui a annoncé l’achat de nouvelles parts de MAG appartenant à d’autres sociétés basées en Suisse (la CHSIH SARL de Petit-Lancy et la PMG Trading AG de Zoug), devenant ainsi propriétaire de la société suisse et de toute cette filière de sociétés actives dans l’achat de terres et dans le commerce de céréales.

Le but de ces investissements est évident: l’augmentation de la population mondiale et la croissance de la demande de céréales permettent d’espérer de considérables profits. Ainsi à travers MAG, Mitsui peut devenir un acteur important dans le marché des céréales et dans l’achat des terres brésiliennes«destinées à la production céréalière pour les marchés asiatiques».
Les banques et les fonds d’investissement

Dans un rapport de Pain pour le prochain (PPP), Yvan Maillard Ardenti, responsable du secteur finances internationales et corruption, explique l’implication du secteur financier helvétique: on cible des investissements dans l’agriculture, surtout là où il y a de fortes possibilités de profits, et on les propose ensuite sous forme de fonds. Global Agri Cap, GAIA World Agri Found, Man Investissent sont des exemples des fonds établis en Suisse.

Ces investissements génèrent cependant de graves problèmes aussi bien environnementaux que sociaux, comme dans le cas de l’huile de palme et des agrocarburants. UBS et Credit Suisse, par exemple, ont participé en 2009 à l’émission d’actions pour le compte de Golden Agri-Resources (GAR), l’un des plus grands producteurs d’huile de palme au monde et holding de la très critiquée société indonésienne Sinar Mas Group. Selon l’étude de PPP, deux autres importantes banques privées, Sarasin et Pictet, sont directement actives dans l’achat de terres: elles investissent dans des sociétés, comme COSAN, le plus grand producteur de sucre brésilien, actif dans ce genre de pratique.

L’agriculture est de plus en plus attractive et rentable pour les investisseurs. C’est un véritable or vert qui garantit d’importants taux de profits aux placements financiers. Ces pratiques ont cependant des conséquences importantes dans les pays en développement qui sont, encore une fois, dépouillés de leur principale richesse: la terre. La difficile situation alimentaire impose que ce genre de pratique soit réglementée et surveillée.

En Suisse, pays qui n’est pas à l’écart de ce phénomène, l’interpellation parlementaire de Maya Graf ouvre le débat politique sur cette question. La coopération suisse au développement est active dans le financement d’ONG qui demandent au moins l’introduction d’une code de conduite imposant aux entreprises un certain nombre de critères à respecter, notamment en matière de fiscalité et de négociation des contrats d’exploitation. Les banques et les investisseurs privés (caisses de pensions p.ex.) devraient aussi attester que l’argent employé ne contribue pas à priver les populations locales de l’accès à leurs terres.

Cependant, la question de l’accaparement des terres doit être débattue et réglementée au niveau international, en intégrant la question des agrocarburants et de la spéculation sur les matières premières.

vendredi 13 mai 2011

Déclaratio​n de Reporters Sans Frontières sur la Côte d'Ivoire

Un mois après la chute de Laurent Gbagbo, la presse ivoirenne dans la tourmente

Un mois tout juste après l’arrestation de Laurent Gbagbo et l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara, la situation de la presse en Côte d’Ivoire demeure problématique. Si certains journalistes menacés ont finalement pu reprendre le travail, les journaux d’opposition, favorables à l’ancien chef de l’Etat, ne paraissent toujours pas. Les locaux du quotidien Notre Voie, proche du Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo) sont même occupés par des éléments armés.

Reporters sans frontières exprime sa déception et demande aux nouvelles autorités d’agir rapidement pour restaurer un climat de confiance chez les journalistes et surtout permettre aux journaux d’opposition de préparer leur retour en kiosques.

"L’absence de presse d’opposition porte un coup très dur à la liberté de la presse en Côte d’Ivoire. Dans ces conditions, nous craignons que ne se développe le règne de la pensée unique. Le gouvernement d’Alassane Ouattara suscite des attentes dans le domaine du respect des libertés. Il doit les satisfaire", a déclaré l’organisation.

Aucune disposition officielle n’empêche les journaux d’opposition de paraître, mais le saccage des rédactions des quotidiens Notre Voie et Le Temps ainsi que l’incendie criminel de leur imprimerie ont créé des dommages très conséquents. De plus, la rédaction de Notre Voie est depuis quelques temps occupée par des soldats des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui interdisent l’accès des lieux aux journalistes.

"Cette situation est tout à fait nouvelle. Dans le passé, les locaux du Patriote, quotidien favorable à Alassane Ouattara, avaient été attaqués et détruits, mais jamais occupés comme le sont ceux de Notre Voie aujourd’hui. Nous ne comprenons pas le comportement des FRCI qui violent de façon flagrante le droit des employés de ce journal de se rendre sur leur lieu de travail", a estimé Reporters sans frontières.

Dans un discours prononcé au Conseil national de la presse, le 3 mai 2011, à l’occasion de la vingtième Journée internationale de la liberté de la presse, le ministre de l’Intérieur et de la Communication, Hamed Bakayoko, a eu des mots peu rassurants vis-à-vis des médias. Sa déclaration s’apparentait plutôt à une mise en garde. "La liberté oui, mais elle a ses limites. La liberté a une certaine frontière. On ne parle plus de liberté quand elle transcende certaines valeurs. Des gens avaient pensé que l’impunité était sans limite. Il faut qu’ils réalisent que ce n’est plus possible. On ne peut pas déstabiliser le tissu social simplement parce qu’on est journaliste. Nous n’allons pas accepter que la presse enfonce la Côte d’Ivoire. La presse porte une responsabilité importante dans cette crise. Les journaux et les journalistes ont voulu être aux avant-postes des politiques, ils ont voulu aller plus loin que les politiques", a-t-il déclaré.

D’autre part, Reporters sans frontières déplore la persistance dans la presse ivoirienne d’articles désignant certaines personnalités à la vindicte populaire. Le 10 mai 2011, le quotidien Nord-Sud a publié une photo du directeur de publication de Notre Voie, César Etou, pour illustrer un article intitulé "César Etou attise le feu de la haine". Le quotidien reproche au journaliste d’avoir contacté des organisations de défense des droits de l’Homme pour se plaindre du manque de respect des droits de Simone Gbagbo et de son entourage depuis leur arrestation.

En attendant la reprise de la Radio-Télévision Ivoirienne (RTI), Reporters sans frontières exhorte Télévision Côte d’Ivoire (TCI) à se comporter comme un média de service public en arrêtant de diffuser les slogans de campagne du candidat Ouattara et des chansons qui font son apologie. La TCI avait été créée par le camp Ouattara dans une démarche de résistance, elle doit désormais s’adresser à tous les Ivoiriens depuis qu’elle remplace la RTI et qu’Alassane Ouattara est devenu chef de l’Etat.

Dans la mesure où l’espace audiovisuel n’est pas encore libéralisé en Côte d’Ivoire, les nouvelles autorités devraient préciser quel est le statut exact de la TCI. Reporters sans frontières rappelle qu’au moment de sa création, début 2011, il s’agissait d’un média pirate.

Enfin, l’organisation prend acte de la transformation du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) en Haute autorité de la communication audiovisuelle. La nomination de l’ancien ministre de la Communication, Ibrahim Sy Savané, à la tête de cette institution apparaît comme un signe d’ouverture prometteur. Reporters sans frontières espère que cette nomination va donner un coup d’accélérateur à la réforme libéralisant l’espace audiovisuel.

Reporters Sans FrontièresLe 10 mai 2011

Côte d'Ivoire : Crimes d'Etat, terreur totale et silence complice des médias français

Il sera dit un jour que l’obscur Alassane Ouattara fut un homme qui a versé beaucoup de sang ivoirien. Il sera dit un jour que cet homme était en contrat, en alliance, et ce, depuis ses débuts, avec les pires ennemis de l’Afrique, les mitrailleurs et les renifleurs aux griffes de feu, les fauves renifleurs et avaleurs d’or et de diamant, de cuivre et d’uranium, de cacao et de café, de coton et de pétrole… Il sera dit un jour qu’il y avait dans ce Ouattara-là une résonnance de ces hommes qui se battent non pas pour le triomphe d’un quelconque héroïque et majestueux principe, mais pour autre chose ; tout à fait autre chose.

Ouattara. L’homme n’a manifestement ni vision, ni charisme, ni épaisseur ; pis, lorsqu’il parle des Ivoiriens, on ne sent, dans sa voix monocorde de bureaucrate de la bourse mondiale, nulle présence de celui qui veut unir le passé, le présent et l’avenir. Impossible unité, impossible liaison donc de cet homme avec cette terre, avec ce peuple de Côte d’Ivoire. On ne l’imagine pas sur le trône ; et pourtant le voilà Président. Mais comment donc ? A coup de bombes larguées par la France sur Abidjan. Paris débarque, brûle Abidjan, se saisit de Gbagbo et de la fumée des buchers, Ouattara s’élève Président. Ere nouvelle : droit de la force et terreur totale sur la Côte d’Ivoire.

Assassinats, enlèvements, viols, pillages. Simone Gbagbo trainée dans la poussière, martyrisée dans sa féminité ; cruauté innommable : la différence qui sépare l’homme de la bête tout simplement franchie. La mère de Laurent Gbagbo, Mamie Koudou Gbagbo, âgée de 90 ans, arrêtée ; elle aussi ! Arrêtée, séquestrée et malmenée. Désiré Tagro, ancien ministre, assassiné : l’homme négocie la fin des hostilités avec les troupes françaises et se présente un tissu blanc à la main ; à quoi aura-t-il droit ? A une balle plantée dans la bouche. Et Duékoué. Les habitants de Duékoué, génocidés : les hommes, tous les hommes, y compris des gamins de deux ans, alignés massacrés à coup de fusils et de machettes. Et Yopougon, Yop l’insoumise, bombardée, saccagée, pillée, déshabillée, violée, massacrée. Perquisitions cour après cour, parents mis à genou devant leurs enfants ; exécutions sommaires sur indication, chasse aux Guérés et Bétés. Combien de morts ? Combien de corps ramassés par la Croix-rouge ? Combien de corps ? Et le village de Sassandra brulé ; et les villages de Abedem et de Drago rayés de la carte.

Meurtres collectifs, meurtres sélectifs, meurtres génocidaires, épuration ethnique ; rafles et torture instituées en règle de gouvernance. Henri Dacoury Tabley, l’ancien gouverneur de la BCEA0, arrêté, tabassé, torturé ; son corps exposé nu, nié dans son humanité, l’enfer total, enfer filmé ; Affi N’guessan, secrétaire général du FPI et tous ceux qui refusent la soumission, kidnappés, séquestrés, embastillés, frappés, torturés, bestialisés ; les militants de l’opposition traqués, traqués listes à la main, traqués jour et nuit, battues organisées, les militants de l’opposition traqués et assassinés tous les jours ; comme si on voulait rendre impossible tout avenir à l’opposition politique. Echos mussoliniens : «L’opposition n’est pas nécessaire au fonctionnement d’un système politique sain. L’opposition est stupide et superflue dans un régime totalitaire comme le régime fasciste».

Eliminés donc d’abord les proches de Gbagbo ; éliminés ensuite ses sympathisants ; éliminés encore ceux qui pourraient éventuellement devenir ses sympathisants, tous ceux-là qui ne sont pas en allégeance, qui ont eu l’impudence de ne pas accourir pour embrasser comme il se doit, c’est-à-dire avec fougue et flamme soudaine, le nouveau pouvoir. Eliminés tous ces autres-là qui ne sont ni de l’ethnie ni du parti des vainqueurs. Eliminés pour un oui ou pour un non. Eliminés même les alliés d’hier. Ibrahim Coulibaly, dit IB, abattu. L’homme de tous les mauvais coups depuis plus de dix, le compagnon d’hier, celui qui a ouvert les portes d’Abidjan à Ouattara avec ses commandos invisibles, IB encerclé, sommé de se rendre, torturé puis abattu comme un chien. Dynamique fasciste.

C’est qu’il s’agit de semer la terreur ; c’est qu’il s’agit non seulement de châtier, de faire gémir les ivoiriens d’avoir voulu l’émancipation, mais aussi de faire perdre conscience à la société ivoirienne, de la briser, de la modeler dans la terreur ; c’est qu’il s’agit de ramener les Ivoiriens à la case départ, la case esclave avec des méthodes dignes de la gestapo ; c’est qu’il s’agit de faire comprendre à tous les Africains que la liberté est cause de malheur, de grand malheur et que seule la servitude, que seul l’esclavage est porteur d’avenir !
Ouattara plante donc son trône dans le sang. Un trône mugissant et prompt au sacrifice humain. Les Ivoiriens sont désormais, de nouveau, bons à dévorer. A dévorer avec leur pétrole, avec leur cacao, avec leur café. Alors à Paris, on se tait. Jour après jour, on tue à Abidjan et Paris se tait ; et lorsque la terreur s’incruste jusque dans les corps violés de Yopougon, l’un de ces illustres quotidiens de la place parisienne, toute honte bue, parle de «traitement de Yopougon». C’est écrit : rayer des humains, c’est les «traiter». Summum d’inhumanité, insensibilité absolue face aux supplices infligés aux Ivoiriens ; silences.

Silence dans la quasi-totalité de la presse de France. Meurtres collectifs, assassinats politiques et emprisonnements enfermés dans le non advenu, embastillés dans le silence. Ce qui est advenu, ce qui est entrain d’advenir n’est pas advenu ! Silence sur ces familles condamnées à errer dans les forets, sans nourritures, pour fuir l’anéantissement, pour fuir les tueurs de Ouattara ; silence sur Blolequin, ville autrefois habitée par 30 000 personnes, aujourd’hui cité fantôme aux rues désertes ; silence sur ces journalistes et avocats poursuivis, pourchassés comme du gibier à abattre ; silences sur ces cabinets d’avocats brulés ; silence sur ces journalistes et musiciens arrêtés, torturés ; silence sur ces jeunes poursuivis car coupables d’être « nés du mauvais côté », l’Ouest du pays… La Côte d’Ivoire de Ouattara exhale, empeste, pue la mort, les corps sont enfouis dans des conteneurs car les morgues sont débordées, mais … silence dans la presse de l’autoproclamée patrie des Droits de l’Homme. Douleur sans fond des Ivoiriens niée, douleur redoublée par ce déni, ce refus de reconnaissance, cette expulsion dans le non existant, dans le hors langage, dans le «n’ayant pas lieu».

Mais qu’est donc devenue la presse de France ? A quoi sert cette presse qui n’est plus affirmation de la liberté de tous les hommes et qui n’ose plus nommer par son nom, la terreur concrète contre l’homme, contre les hommes ? Pourquoi ce renoncement ? Pourquoi ? Cette presse-là sait pourtant ; elle sait, elle est bien informée, elle est au courant de la terreur qui règne à Abidjan, elle sait qu’on étouffe à Abidjan, que l’air est devenu tout simplement irrespirable et que fait-elle ? On attend qu’elle s’insurge, qu’elle dénonce au nom de la défense des droits de l’homme mais elle fait l’inverse, le contraire : elle se tait. Elle sait que la Côte d’Ivoire vit sous la terreur mais elle ne parle pas. Pourquoi ? Pour quelles raisons ? Parce que tout simplement lever le voile sur la nature et la barbarie du pouvoir installé à Abidjan, serait nommer les responsabilités de la France et révéler, du coup, au monde et au citoyen lambda, ce que Paris, ce que Sarkozy a fait de la Côte d’Ivoire : une terre brutalisée, torturée, massacrée. Crime d’Etat postcolonial.

Or pourquoi nommer ce crime ? Que vaut le destin, la vie des Ivoiriens face aux intérêts suprêmes de la France ? Pas grand-chose. Mépris cynique et vicieux de la vie humaine. Latitude totale donnée ainsi au pouvoir de Ouattara de torturer et de tuer ! Impunité assurée d’avance pour les tueurs et les tortionnaires de l’homme installé à Abidjan. Et où, oui, où le refus inconditionnel et universel de l’assassinat politique, de l’arbitraire, de la torture, de la dictature, de la férocité de la dictature ? Où ? «L’école française d’Alger» est de retour sur le continent africain ; elle fait des ravages au bord de la lagune Ebrié ; on le sait, et pourtant, silences ; on fait bloc dans le silence autour de l’homme de la France à Abidjan. Rien vu ; rien entendu.

Mais qu’importe. Qu’importe le jour, le mois ou l’année : Ouattara, l’homme de Paris à Abidjan, partira un jour. Il partira. Le temps de Ouattara finira. Il n y a pas d’avenir dans l’histoire de l’Afrique pour ce nom là, Alassane Ouattara ; il n’y a d’autre avenir pour ce nom-là que celui d’un Mobutu et d’un Bokassa, eux- aussi tueurs de leurs propres peuples et morts abandonnés de tous. Ouattara partira un jour, et il sera dit ce jour-là, que cet homme faible qui n’avait de force que venue de Paris ; il sera dit que cet homme de la démesure dans la cruauté, aura planté et porté la violence à son paroxysme au cœur de la société ivoirienne. Il sera dit qu’en un seul mois de règne, il aura arrêté et exécuté plus de monde que durant les quarante ans de règne d’Houphouët-Boigny et de Gbagbo réunis ! Il sera dit et rappelé que s’il a pu ainsi sévir impunément, ce fut en parti, grâce, au silence de ceux qui, à Paris, devaient parler et qui ont refusé d’élever la voix. Il sera rappelé que non, ceux-là ne dormaient pas, qu’ils savaient et que leur silence, chacun de leur silence, fut coupable. Martin Niemöller : «Car il est des silences coupables, plus assassins qu’aucune parole, qu’aucune arme peut-être. Car il est des silences complices dont le nombre fait la force, et la force la loi. Celle des majorités silencieuses qui sert de caution et d’alibi aux crimes contre l’humanité.»

David Gakunzi in michelcollon.info, le 11 mai 2011

mercredi 11 mai 2011

Interview de Bienvenu Mabilemono sur la Côte d'Ivoire

Interview Bienvenu MABILEMONO et Lynx Togo.info

Lynx.info : Pour être congolais, vous êtes intéressant pour nos lecteurs. Comment expliquez-vous que ce que la France a fait au Congo Brazzaville dans une guerre effroyable, elle le réédite en Côte d’Ivoire avec même l’autorisation de l’ONU, l’UA comme de la CEDEAO. 

Bienvenu M. : Tout d’abord je remercie Lynx Togo.info pour cette interview.
Pour répondre à votre question et pour ne pas faire la langue de bois, disons qu’il peut y avoir en effet des similitudes évidentes entre ce qui vient de se passer en Cote d’Ivoire et ce qui s’est passé au Congo en 1997 dans la mesure où dans les deux cas, la France a joué un rôle central. Mais au-delà de tous les non-dits, je pense que la similitude la plus frappante et surtout la plus scandaleuse tient au fait que comme au Congo, les Ivoiriens devront payer la facture des armes qui ont pourtant servi à les tuer.
Il convient néanmoins de relever une différence que je considère comme une différence majeure à mes yeux. En effet, sans entrer bien entendu dans le fond, on peut tout de même souligner qu’en Cote d’Ivoire il s’agit d’une crise née à la suite d’une élection présidentielle supervisée en amont et en aval par l’ONU tandis qu’au Congo on peut parler d’un coup d’Etat classique fait avec la complicité active de la France.
Pour se placer dans l’avenir, nous avons tous entendu officiellement la France et l’ONU, et même l’UA et la CEDEAO affirmer avoir agi en Cote d’Ivoire pour défendre la démocratie, or chacun sait pertinemment qu’il n’y a pas qu’en Cote d’Ivoire que la démocratie est bafouée en Afrique. Pour que cette thèse soit crédible, nous suggérons donc que la supervision en amont et en aval ainsi que la sécurisation et la certification des élections par l’ONU devienne la règle partout ailleurs en Afrique où la transparence électorale a toujours été sujette à caution, et ce, jusqu’à ce que la pratique et la culture de la démocratie rentrent définitivement dans les meurs.  

Lynx.info : Beaucoup de Congolais disent que les cris et le travail de terrain de votre parti, le Mouvement pour l’Unité et le Développement du Congo (M.U.D.C.) sont inaudibles au Congo. En êtes-vous conscient ?

Bienvenu M. : Merci d’avoir posé cette question. Ceux qui disent cela ce sont généralement les mêmes qui nous accusent d’être de faux opposants. Mais cela ne nous dérange pas outre mesure, bien au contraire. Car nous savons parfaitement que cette propagande qui est régulièrement menée contre nous est souvent habilement orchestrée par des personnes proches du pouvoir. Disons que c’est de bonne guerre. Après tout, on ne jette pas les pierres sur un arbre qui n’a pas de fruits.
Sachez que la situation politique actuelle du Congo place tous les vrais opposants dans une sorte de guerre des tranchées face à ce régime brutal et ultra-policier. Dans ces conditions la stratégie du « voir sans être vu » s’impose pour préserver la vie de nos militants qui courent chaque de très gros risques.
Pour faire simple, disons que jusqu’ici notre stratégie a toujours été d’avancer masqué. Le M.U.D.C. étant avant tout un instrument de combat politique, nous ne devons pas perdre de vue que l’atmosphère politique congolaise actuelle est totalement polluée.
Nous sommes un parti d’avenir, notre action s’inscrit donc clairement dans le long terme. Donc pour une meilleure efficacité, consigne a été donnée à nos militants de ne pas avancer à visage découvert. Et nous sommes plutôt satisfaits des résultats.
Si vous me permettez de déroger à la règle élémentaire d’humilité, je peux même vous certifier que le M.U.D.C. est aujourd’hui la principale bête noire du régime de Brazzaville. Nous faisons un travail de fond sur le terrain mais aussi à l’international et le pouvoir le sait, mais permettez que je ne vous en dise pas davantage.

Lynx.info : Comment se porte le Congo depuis le retour de Denis Sassou Nguesso aux affaires comme président de la République ?

Bienvenu M. : Comme vous le savez sans doute, je n’ai jamais fait mystère de ce que je fais moi-même partie des Congolais qui avaient appelé de leurs vœux le retour de Sassou Nguesso aux affaires. Je fais d’ailleurs souvent l’objet de critiques parfois très virulents de la part de certains de mes compatriotes à cause de cela mais je l’assume. Inutile donc de vous dire que nous avons tous très vite déchanté.
C’est une question tellement pertinente qu’il m’est difficile de faire court. Pour vous planter le décor de la situation chaotique dans laquelle Sassou Nguesso a plongé le Congo depuis son retour aux affaires par les armes, je vais commencer par un très fait marquant qui est caractéristique de mon point de vue de l’état d’esprit de ce régime corrompu. Longtemps considéré comme un pays à revenu intermédiaire, c’est-à-dire ayant un produit national brut (PNB) annuel par habitant relativement élevé, le Congo fait partie aujourd’hui des pays pauvres très endettés (PTTE) à la grande satisfaction de Sassou Nguesso et son gouvernement. Un statut honteusement usurpé et dont on peut aisément démontrer qu’il s’agit d’un gros mensonge d’Etat tant tout cela contraste de manière très flagrante avec la réalité de la situation économique et financière du pays. Sans doute parce qu’ils sont aujourd’hui très gênés par cette situation, ils s’évertuent maintenant à parler de faire du Congo un pays émergent d’ici à 2025.
Autre aberration, malgré une faible population de moins de 4 millions d’habitants et des revenus pétroliers en constante augmentation depuis son retour aux affaires, le Congo figure chaque année en queue de Peloton au classement des pays par IDH (indice de développement humain). Où va donc l’argent du pétrole congolais ?
Inutile de vous dire que le pays manque d’eau potable alors que l’ensemble du territoire national est couvert d’eau, le pays manque d’électricité ; ce qui n’empêche pas bien sûr les propagandistes du régime de chanter l’imminence de l’industrialisation du pays, le pays manque d’hôpitaux décents, le seul hôpital de référence du pays, le CHU de Brazzaville, manque d’ascenseurs, à l’école les élèves sont assis par terre alors que le pays regorge d’importantes ressources forestières et le bois, la seule université du pays est dans un état lamentable et se classe parmi les moins cotées au monde, dans le primaire comme dans le secondaire et à l’université le niveau des formateurs et des étudiants est en chute libre, le pays est gangrené par le clientélisme, la corruption et la dépravation des meurs est devenue légion, les salaires restent désespérément bas tandis que l’inflation est galopante, le chômage de masse a atteint des niveaux jamais égalés… Pendant ce temps, les membres de sa famille contrôlent des pans entiers de l’économie du pays et mènent grand train.
Il s’agit en fait ni plus ni moins de la même stratégie qui a toujours été cyniquement appliquée dans la plupart des dictatures africaines et qui consiste à appauvrir volontairement le peuple pour mieux l’asservir et donc le contrôler.
Quant aux quelques rares réalisations en trompe-l’œil, très fortement médiatisées, elles servent ni plus ni moins à alimenter la propagande du régime et surtout à masquer d’énormes détournements du fonds publics par les membres du clan et leurs proches.
Sur le plan des libertés fondamentales, le tableau est tout aussi sombre que celui que je viens de décrire plus haut. En effet, les droits de l’homme sont régulièrement violés, la liberté syndicale est tout simplement inexistante, la vraie opposition et la presse indépendante sont muselées, les écoutes téléphoniques sont généralisées, l’Internet est volontairement maintenu à un niveau rudimentaire, les chaînes de télévisions privées et indépendantes n’existent pas... Voilà grosso modo comment se porte le Congo depuis le retour de Sassou Nguesso aux affaires.
Pour résumer, je peux dire que depuis son retour aux affaires par les armes avec l’aide déterminante de Jacques Chirac et d’armées étrangères, Sassou Nguesso s’est drapé de certitudes et s’est mis dans des habits et des joyaux dignes d’un roi. Il détient tous les pleins pouvoirs et joue allègrement avec la loi. Il ne s’interdit rien et a même fait du Congo une propriété de sa famille. 
Mais aujourd’hui nous avons toutefois des raisons d’être optimistes car le ressentiment et l’exaspération du peuple deviennent de plus en plus grandissants. Nous pouvons donc nous attendre à un changement brutal dans le pays.

Lynx.info : … mais Sarkozy qui dit vouloir la démocratie en Côte d’Ivoire semble fermer les yeux au Congo. Comment vous l’expliquez ?

Bienvenu M. : Pour éviter tout commentaire trop tranché sur les bonnes relations passées entre la France et notre dictateur sanguinaire et corrompu, Sassou Nguesso, vous permettrez que je choisisse de regarder plutôt vers l’avenir car je préfère croire au nouveau discours officiel de la diplomatie française. Le monde est en train de changer sous nos yeux et je veux être optimiste quant à l’avenir des relations franco-africaines en général et de la relation franco-congolaise en particulier.
Aujourd’hui la France affiche clairement sa volonté de ne plus soutenir les dictateurs, il appartient donc maintenant au peuple congolais de créer l’événement que tout le monde attend dans le pays et ensuite voir quelle sera la réaction de la France afin de la prendre aux mots. 

Lynx.info : Sassou Nguesso est plus à l’aise depuis les contestations populaire dans toute l’Afrique. Il dirige bien le Congo, c’est ça ?

Bienvenu M. : Ne jamais se fier aux apparences. Comme tout bon dictateur qui se respecte, en ce moment Sassou Nguesso sait que s’il laisse transparaître sa peur, il va le payer cash. Alors, la peur au ventre, il s’efforce, non sans mal, d’afficher une sérénité apparente. Mais personne n’est dupe. Les Congolais savent en effet que la peur a déjà changé de camp. J’en veux pour preuve deux faits majeurs que tous les observateurs ont pu relever récemment, à savoir, l’absence très remarquée de Sassou Nguesso et son épouse à la cérémonie des obsèques des victimes du crash d’avion dans la capitale économique, Pointe-Noire, ou encore l’interdiction formelle d’organiser des manifestations publiques sur toute l’étendue du territoire national à l’occasion de la fête des travailleurs le 1er mai.
Après avoir longtemps brimé et humilié les Congolais, aujourd’hui Sassou Nguesso sait qu’à tout moment une véritable furie peut se déclencher contre lui, alors il fait tout pour éviter les rassemblements de foules car il estime que cela pourrait servir d’élément déclencheur ou d’outil d’incitation à la révolte populaire. C’est autant vous dire qu’au fond de lui, Sassou Nguesso doit déjà se faire des cheveux blancs.          
Je peux vous affirmer qu’il y a très longtemps que Sassou Nguesso est l’homme le plus détesté du Congo. Après 27 ans d’exercice de pouvoir autoritaire et sans partage, pour beaucoup son départ du pouvoir serait même un soulagement et permettrait de refermer un douloureux chapitre de notre histoire. Sassou Nguesso et ses proches en sont conscients mais ils s’accrochent au pouvoir par la terreur.
Je ne connais pas beaucoup de chefs d’Etats qui dirigent bien leur pays et qui sont autant détestés par leur peuple. En Afrique la plupart des dictateurs pensent qu’il suffit de construire quelques immeubles et quelques kilomètres de routes ou des hôpitaux pour gagner l’estime du peuple, pourtant les récentes révolutions tunisienne, égyptienne et même libyenne viennent de leur infliger un cinglant démenti. Tous les peuples du monde ne veulent d’une seule chose, vivre libre et dans la dignité. 
C’est pourquoi, d’une manière plus globale, je profite de cette interview pour exprimer ma profonde tristesse de voir l’inaction quasi-générale des peuples Noirs Africains face à leurs dictateurs au moment où la communauté internationale semble afficher clairement sa volonté de soutenir et d’accompagner les populations en quête de dignité, de liberté, de démocratie et de justice sociale.
J’ai vraiment beaucoup de mal à comprendre cette attitude passive des Noirs Africains que nous sommes. Pourquoi continuons-nous de refuser de voir que le monde est en train de changer comme ne cesse d’ailleurs de le marteler le Secrétaire général de l’ONU, Ban K-Moon, je le cite : « L’ère de l’impunité est terminée. Aujourd’hui nous évoluons de manière décisive vers une nouvelle ère de souveraineté et de responsabilité… Une ère où ceux qui violent les droits de l’homme de leur peuple devront rendre des comptes.» Même la France, à en croire son ministre des affaires étrangères, Alain Jupé, ne semble plus disposée à apporter son soutien à ses vieux amis dictateurs africains qui battent tous les records de longévité au pouvoir. Elle dit vouloir être maintenant aux cotés des peuples qui aspirent à la démocratie.
Pour ma part, je pense qu’aujourd’hui plus qu’hier, grâce aux révolutions populaires, le métier de dictateur est devenu un métier à très haut risque comme l’a dit Alain Juppé.
Les peuples Noirs Africains que nous sommes, avons donc là une formidable opportunité de prendre le contrepied de l’insultante théorie selon laquelle « l’Homme africain ne serait pas assez entré dans l’histoire ». Ne fut-ce que par mimétisme, j’ose donc espérer que nous parviendrons nous aussi à chasser nos dictateurs à l’instar des peuples arabo-musulmans.
Je ne veux pas donner raison à certains défaitistes qui affirment que la peur de sa mort empêche l’Homme Noir de prendre des risques quand bien même il s’agirait de gagner sa dignité et sa liberté.  
     
Lynx.info : On parle d’une opposition congolaise inexistante depuis le départ en exil de Pascal Lissouba et après la mort de Bernard Kolelas. Comment pensez-vous venir à bout d’une dictature sans opposition ?

Bienvenu M. : En effet, ne pas reconnaître l’absence d’une opposition crédible et combative au Congo serait faire preuve de cécité. Cette attitude de non-combat qui caractérise l’opposition congolaise actuelle trouve son explication dans le fait que nous avons aujourd’hui dans notre pays une génération d’hommes politiques vieillissants et interchangeables, qui dominent la vie politique depuis 1963, qui ne veulent surtout pas voir émerger une nouvelle génération politique et qui, très égoïstement, ont tout simplement décidé de jouer sournoisement le jeu du pouvoir en place qui leur assure en contrepartie des revenus confortables leur permettant ainsi de couler de vieux jours heureux.
Au même titre que la majorité présidentielle, aujourd’hui l’opposition congolaise est donc composée essentiellement d’hommes politiques qui sont les produits d’un même système machiavélique qui perdure depuis 1963. Alors, qu’ils soient aujourd’hui dans le camp de la majorité ou dans l’opposition, ils sont tous habités par le même souci de la préservation de ce système dont chacun d’eux rêve d’en devenir le nouveau maître. Et pour compliquer encore davantage cette difficile équation politique congolaise, ils appartiennent tous ou presque aux mêmes obédiences philosophiques qui mélangent étrangement tradition et modernité.
Nous sommes donc en présence des hommes ont tout lâché, y compris de leur dignité, de leur personnalité, de leurs convictions et même de leur libre-arbitre et de leur amour pour le Congo. On assiste à une véritable corruption institutionnelle matérialisée par le versement de salaires exorbitants aux députés et aux sénateurs auxquels s’ajoutent de nombreux avantages en nature. Par exemple, un député touche aujourd’hui entre 3 et 4 millions de francs CFA nets par mois, c’est-à-dire entre 4500 et 6000 euros nets auxquels il faut ajouter d’importantes commissions versées à chaque cession parlementaire et de nombreux avantages en nature telle que la gratuité des soins médicaux garantis par un contrat passé avec une très chique  clinique privée en France. Et je vous rappelle que le salaire moyen au Congo ne dépasse passe pas 50000 CFA (75 euros). Résultat : toute la meute constituée de ces opposants de façade n’hésite pas à passer des accords secrets avec le pouvoir pour devenir députés ou sénateurs. Et comme vous pouvez le voir, il s’agit d’un système très pervers qui a fini par polluer toute la vie politique congolaise et qui fige actuellement le débat dans une opposition convenue.
Bien qu’ils se réclament tous humanistes, on voit bien que ce n’est que façade. En réalité nous avons affaire à une classe d’hommes politiques naturellement et volontairement méchants, dont la méchanceté s’érige en système contre le peuple. Pour dire crument les choses, on est à la limite de la théorie du complot.
La conclusion s’impose dès lors d’elle-même : pour venir à bout de la dictature de Sassou Nguesso et mettre un terme définitif à ce système machiavélique mis en place depuis 1963 et qui est en perpétuelle reproduction, les Congolais n’ont plus qu’une seule option plausible, c’est de suivre l’exemple tunisien et égyptien en descendant massivement dans la rue et accepter bien sûr d’en payer le prix.
Certes, il est vrai que pour l’heure les Congolais ont encore peur car ils ont gardé en mémoire les douloureux souvenirs de 1997, 98, 99 et 2000 quand Sassou Nguesso les avait sévèrement matés et où son pouvoir en était sorti renforcé par la terreur. Mais aujourd’hui, même s’il venait à perpétuer ses mêmes vieilles méthodes, il n’est pas sûr qu’il parvienne au même résultat. Nous faisons donc confiance à ce grand peuple pour qu’il prenne enfin son destin en mains.             

Lynx.info : Un mot sur les plaintes pour abus de biens publics en France par le clan Denis Sassou Nguesso. La France ne joue-t-elle pas au chantage à cause du pétrole congolais ?

Bienvenu M. : La corruption et les détournements massifs de fonds publics sont une réalité indéniable dans notre pays et comme vous êtes bien renseigné, vous devriez savoir sans doute que Sassou Nguesso lui-même l’a publiquement reconnu maintes fois, même si c’est toujours à demi-mots.
Personne au Congo n’ignore les origines campagnardes et donc très modestes de Sassou Nguesso. Il n’a donc jamais pu hériter d’une quelconque fortune familiale. Il n’a jamais exercé non plus une activité professionnelle en dehors de  son métier de dictateur qui, comme on a pu le constater avec les fortunes colossales de Ben Ali, Moubarak ou Kadhafi, est manifestement le métier le mieux payé au monde. En conséquence, et chacun conviendra avec moi qu’avec ses origines campagnardes et très modestes et n’ayant jamais exercé d’activité professionnelle qui aurait pu lui conférer le statut de riche industriel, même si entretemps Sassou Nguesso a réussi à atteindre les plus hautes sommités de l’Etat, il ne fait aucun doute que seuls des détournements massifs de fonds publics peuvent justifier sa colossale fortune qui, je le rappelle n’est pas une simple vue de l’esprit de ses détracteurs  comme le laissent souvent entendre ses griots, mais bien une réalité comme l’a démontré l’enquête de la brigade financière française.
A vrai dire, même s’il est évident que cette procédure judiciaire par ses multiples implications politico-financières fait surtout le bonheur de quelques avocats parisiens et autres cabinets d’affaires français qui ont mis leur expertise au service des dictateurs africains, je pense néanmoins que quel que soit ce qu’on peut reprocher à la France dans ce dossier, je préfère pour ma part retenir deux choses essentielles : la police française par sa brillante enquête qui a mis en lumière l’étendue de ce patrimoine financier et immobilier, les ONG françaises par leur détermination et la Cour de cassation française qui a fait preuve d’indépendance par sa décision historique du 9 novembre 2010 ont non seulement contribué à éclairer les Congolais du moins en partie sur l’ampleur des tournements de fonds publics directement imputables à Sassou Nguesso et sa famille mais ont surtout permis de franchir une étape décisive dans la lutte contre l’impunité. C’est surtout pour cela que cette procédure est salutaire de mon point de vue. Grâce à cela, nous pensons que tôt ou tard, l’Etat congolais finira par obtenir le gel et le rapatriement de tous ces avoirs ainsi que l’aliénation de cet immense empire immobilier.
C’est la raison pour laquelle, au-delà même de toutes les manœuvres politico-judiciaires, ma conviction est que si les Congolais veulent donner un bon coup d’accélérateur à toutes ces procédures judicaires qui peinent à avancer en France, qu’il s’agisse de cette affaire dite des biens mal acquis ou encore de l’affaire des 353 disparus du Beach, il leur suffit aujourd’hui de chasser Sassou Nguesso sous la pression de la rue comme l’ont courageusement fait les Tunisiens et les Egyptiens et toutes ces procédures aboutiront sous 48 heures.
Et puis il y a au moins deux autres raisons supplémentaires qui devraient pousser davantage les Congolais à chasser Sassou Nguesso sous la pression de la rue, cela permettrait de faire échouer son projet de modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir à vie ainsi que celui d’assurer une succession dynastique à ses enfants et neveux.            

Lynx.info : Vos espoirs pour le Congo….

Bienvenu M. : Mon plus grand espoir aujourd’hui est de voir les Congolais briser enfin le mur de la peur et se lever dans une sorte de communion nationale pour chasser la dictature de Sassou Nguesso afin d’organiser une grande concertation nationale qui posera les fondements d’une véritable nation congolaise.
En clair, je rêve pour mon pays de voir émerger une nouvelle classe politique débarrassée des considérations ethno-régionalistes et plus soucieuse de l’intérêt général. Je rêve d’un Congo où chaque citoyen pourra profiter des richesses nationales. Je rêve d’un Congo où chacun est responsable de ses choix et dispose de la liberté qui lui permet de gérer son libre-arbitre. Bref, je rêve d’une véritable nation congolaise unie, résolument tournée vers le développement et où les Congolais dans leur diversité sociologique et géographique pourront se fréquenter et s’apprécier.
 
Interview réalisée par Camus Ali

mardi 3 mai 2011

Blaise-Pascal Logbo, président du COPACI, rappelle aux présidents d'Institutions ivoiriennes l'article 98 de la Constitution

BLAISE PASCAL LOGBO RAPPELLE AUX PRESIDENTS
D’INSTITUTIONS IVOIRIENNES L’ARTICLE 98 DE LA CONSTITUTION


INTRODUCTION : RAPPEL HISTORIQUE

Depuis le 19 septembre 2002 notre cher pays n’a cessé d’écrire des pages sombres et douloureuses de son histoire. Une tentative de coup d’Etat  s’est muée en rébellion armée divisant la Côte-d’Ivoire en deux. De nombreuses violations graves des droits l’homme, des crimes à caractère génocidaire, des crimes de guerres et des crimes économiques continuent d’être commis depuis cette date, plongeant ainsi le pays dans une crise, puis un chaos politique et socio-économique sans précédent.

Les différents principaux acteurs de la crise, à savoir le Président de la République Laurent Gbagbo et les responsables de la rébellion, ont opté pour sa solution négociée. Des accords ont été signés, en sus des nombreuses résolutions onusiennes, dans l’objectif de résoudre définitivement la crise par des élections démocratiques, libres, transparentes et ouvertes.

Or le second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 a été fortement marquée par des irrégularités tant au niveau du déroulement du scrutin qu’au niveau du fonctionnement de la Commission électorale indépendante, au regard de la Constitution et du Code électoral. Statuant en dernier ressort sur les résultats du second tour de la présidentielle, le Conseil constitutionnel, a proclamé le Président Laurent Gbagbo vainqueur et a procédé à son investiture solennelle le  4 décembre 2011, conformément à la Constitution.

Alors que nous nous attentions au respect des résultats définitifs par le RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la Paix) et ses alliés de la « communauté internationales », ceux-ci ont fait le choix de la contestation desdits résultats. Depuis cette date, le complot international contre la Côte-d’Ivoire, débuté le 19 septembre 2002, a ressurgi  avec plus d’intensité et de détermination pour plonger le pays dans le chaos et opérer un coup d’Etat contre le président Gbagbo, dans un contexte de guerre engagée contre les ivoiriens par l’armée française, les casques bleus de l’ONU et la rébellion d’Alassane Dramane Ouattara.

Le coup d’Etat du 11 avril 2011, mené par la France et aidée dans sa tâche par les casques bleus de l’ONU et la rébellion, a été fait au profit d’Alassane Dramane Ouattara. Dans une tentative de falsification de l’histoire, celui-ci et ses alliés occidentaux et africains ont décidé de couvrir la laideur de leur coup d’Etat du voile enjolivant de la « légitimité » pour se donner une bonne conscience et tromper les observateurs non avertis de la politique ivoirienne. Dans cette perspective, nous avons assisté à un ballet extraordinaire d’allégeances et d’audiences des présidents d’institutions de la République.

Cette pseudo-légitimation  programmée du coup d’Etat du 11 avril 2011 et les attitudes des ces principaux acteurs nécessitent une analyse en vue d’éclairer l’opinion nationale et internationale sur la question.

Il s’agit par ce texte de montrer les contradictions choquantes dont sont fortement marqués ces « allégeancionistes », principaux acteurs de cette pseudo-légitimation programmée, ainsi que la lâcheté, la trahison et le vil intérêt égoïste qui sous-tend leur démarche et leur posture actuelle, aux antipodes du combat exemplaire et héroïque du Président Laurent Gbagbo.

I- LE CAS TIA KONE : PRESIDENT DE LA COUR SUPRÊME

Parti faire allégeance à Alassane Ouattara, M. TIA Koné, Président de la Cour suprême de Côte-d’Ivoire a fait la déclaration suivante : « Alors, M. le président de la République, comme dans leur langage ferme et généreux, les généraux de notre armée ont su vous le dire hier et avant-hier, nous sommes à vos ordres M. le président de la République ! ». M. TIA Koné est celui qui, par l’Arrêt N°E 0001-2000 d’Août 2000, a invalidé la candidature d’Alassane Dramane Ouattara pour sa nationalité douteuse. Sous le règne de la transition militaire, le Président de la Cour suprême s’était montré digne en ne se soumettant qu’à l’autorité de la loi fondamentale de la République. Mais dans le contexte sociopolitique actuel, il a décidé de fouler au pied la légalité constitutionnelle pour cautionner le coup d’Etat du 11 avril dernier. Pour ce haut magistrat de la République, le fait a désormais force de droit devant lequel il faut se prosterner dans l’espoir de préserver sans doute ses acquis économiques et socioprofessionnelles.

II-LE CAS LAURENT DONA FOLOGO : PRESIDENT DU CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL 

Quelle interprétation ou quelle explication donner à l’allégeance du Président du Conseil économique et social au bénéficiaire du coup d’Etat du 11 avril? C’est par un rappel de ses allégations antérieures qu’il convient d’introduire la réponse à cette interrogation.

A l’occasion d’une interview réalisée par Abel Doualy et publiée le 28 décembre dernier sur le site fratmat.info, M.Laurent Dona Fologo, au sujet de la victoire électorale du Président Gbagbo, disait ceci : « Je voudrais faire remarquer que mon respect de la légalité et de la Constitution est une constante. Les Ivoiriens le savent et cela est connu au-delà de nos frontières. (…)Je suis contre le coup d’Etat sous quelque forme que ce soit. J’ai été l’une des victimes de ce fameux coup d’Etat [celui de 1999]. A ma sortie de prison politique à Akouédo, je n’ai pas accepté de rejoindre avec certains de mes amis le camp du général Guéi qui était le fauteur présumé dudit coup d’Etat. (…)Ayant fait du respect de la légalité et de la Constitution une constante, je ne peux pas comprendre aujourd’hui qu’on veuille désigner le nouveau Président de le République en sautant une étape importante qu’est le Conseil constitutionnel. Au premier tour, toutes les étapes ont été suivies. Le monde entier nous a salués pour son bon déroulement. Pourquoi voulez-vous qu’au second tour, l’on saute subitement une étape, celle du Conseil constitutionnel ? (…) La Côte d’Ivoire n’est pas un Etat voyou. On ne peut pas y accéder au pouvoir par des astuces, des raccourcis. (…) A mon avis, la loi ivoirienne a été dite même si certains estiment qu’elle ne l’a pas été complètement. (…) Et le malheur de Gbagbo, c’est de paraître comme le précurseur de l’Afrique de la vraie indépendance, cette Afrique nouvelle dont Houphouët-Boigny rêvait. Il est donc un danger pour ceux qui veulent continuer à exploiter nos ressources. »

L’homme qui affirmait être pour la légalité constitutionnelle et contre les coups d’Etat a donc habilement  pris la décision de cautionner l’illégalité et de donner son approbation au coup d’Etat du 11 avril 2011. La décision du Conseil constitutionnel proclamant le Président Laurent Gbagbo vainqueur de l’élection du 28 novembre ne s’impose plus à M. Laurent Dona Fologo. Or l’article 98 de la Constitution ivoirienne est très claire qui stipule que « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale. »

Cette dichotomie entre les propos et les dernières actions de M. Laurent Dona Fologo montre bien que, contrairement à ce qu’il affirmait, son respect de la légalité et de la Constitution n’a jamais été une « constante ». Il a sans doute agit dans l’espoir de préserver ses acquis et privilèges sociopolitiques et économiques. Cette nouvelle posture de l’homme est la preuve qu’il a opté pour la reculade, là où l’Histoire l’appelait à prendre ses responsabilité en demeurant dans la constante du respect de la légalité et de la Constitution.

Cependant, M. Fologo veut se donner bonne conscience en citant sur les ondes de RFI (Radio France internationale) son maître politique, feu Houphouët Boigny, dans les propos du genre « Le président Houphouët Boigny nous a enseigné que la politique est la saine appréciation des réalités bonnes ou mauvaises. (...) Je reconnais le président Ouattara comme le président de la République de Côte d’Ivoire parce qu’aujourd’hui la réalité c’est celle-là. (..)J’ai dit publiquement que quel que soit le président de la République de Côte d’Ivoire, je suis prêt à l’aider à réussir sa mission.»

La saine appréciation de la réalité qu’aurait dû faire M. Fologo était cependant de dire que l’armée française, les soldats de l’ONUCI et les rebelles ont fait un coup d’Etat militaire pour mettre M. Ouattara au « pouvoir » et que celui-ci ne mérite pas son soutien dans ces circonstances, étant donné que le respect de la légalité et de la Constitution est chez lui une constante. Dire que la « politique est la saine appréciation des réalités bonnes ou mauvaises » n’a pour Fologo autre sens que faire la politique c’est défendre ses intérêts égoïstes, même au mépris des lois.

III-LE CAS MAMADOU KOULIBALY : PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

Que dire du Président de l’Assemblée nationale dans cette atmosphère d’allégeancephilie qui distingue désormais les Présidents d’institutions ivoiriennes ?

M. Mamadou Koulibaly se présentait comme le dénonciateur, le farouche et virulent opposant du pacte colonial et de l’impérialisme Français dans ses livres  intitulés  Les servitudes du pacte colonial  et  La guerre de la France contre la Côte-d’Ivoire. Le rappel de quelques extraits de ses écrits permettrait de comprendre la nouvelle posture de l’homme.

En introduction de la seconde œuvre ci-dessus citée, M. Mamadou Koulibaly écrit : « Alors que la France n'a pas respecté ses engagements vis-à-vis des accords de coopération militaires et de défense, elle voudrait institutionnaliser en Afrique le gangstérisme international qui consisterait à éjecter du pouvoir, des régimes démocratiques sous le prétexte fallacieux qu'ils ne sont pas capables de défendre les intérêts du pays gangster. Le peuple de Côte d'Ivoire dit non. (…) Patriotes de tous les partis et de toutes les Nations, conjuguons nos efforts pour aller en croisade contre les déstabilisateurs de notre belle Côte d'Ivoire. Il ne s'agit pas d'une option pour nous. Il s'agit d'une nécessité vitale. » Par ailleurs, s’exprimant au sujet de la loi française N°2005-158 du 23 février 2005 évoquant en son article 4 la positivité  de la colonisation française, M. Mamadou Koulibaly disait ceci : « Ne nous méprenons pas, la crise ivoirienne est une crise d'émancipation qui trouve sa source dans les dérives de la colonisation. .(…) La France doit également avoir à l'esprit qu'avec la prise de conscience du peuple de Côte d'Ivoire, et sa maturité politique de 2005, débarrassée des complexes du colonisé des années 60, aucune démarche de passage en force, même par voie diplomatique, ne peut constituer une solution durable à la complexe situation qui est le résultat de la volonté de Paris de mettre au pas la Côte d'Ivoire. (…) Cette crise oppose d'un côté ceux qui veulent sortir de la domination brutale française et revendiquent la pleine souveraineté de la Côte d'Ivoire, la liberté de pensée et de choix pour tous les ivoiriens, et d'un autre côté, ceux qui acceptent de s'appuyer sur cette position indécente de la France pour prendre le pouvoir et permettre aux réseaux maffieux de la françafrique de continuer l'exploitation abusive de nos richesses en dehors de toute règle marchande. Tout le débat est là. (…) La communauté internationale doit comprendre que la Côte d'Ivoire veut être seule responsable de ses choix. Elle se considère émancipée à quarante-cinq ans, et elle veut se soustraire du colonialisme et surtout de ses perversions que constitue le contrôle de sa pensée, de son orientation politique, de ses richesses et de son économie par la France. (…) Nous africains qui continuons de souffrir au quotidien des effets néfastes de la colonisation, nous sommes aussi libre de nous battre contre elle avec nos amis non africains qui refusent le révisionnisme. (…) S'opposer à la colonisation et à la domination est un droit fondamental dont on ne peut nous priver. Nous en avons la pleine mesure aujourd'hui, c'est pourquoi il est illusoire de penser que la colonisation retrouvera ses assises en Côte d'Ivoire, que ce soit par la force diplomatique, ou par la force militaire ou financière. (…)Les ivoiriennes et les ivoiriens savent que leur combat d'aujourd'hui est une réactivation de la lutte d'indépendance restée inachevée. Ne pas conduire ce combat à son terme définitif, c'est léguer à nos enfants l'héritage d'une nouvelle lutte à venir. C'est un passif que le peuple de Côte-d’Ivoire d’aujourd’hui ne veut pas laisser derrière lui. Depuis les années 60, la France n'avait pas jugé utile de proclamer le caractère positif de sa colonisation. Maintenant que la Côte d'Ivoire dénonce la poursuite de cette colonisation, alors Paris veut noyer le poisson. Quelque part, nous en sommes heureux, car cela confirme, si besoin était, le caractère juste de notre combat, et la nécessité de sa poursuite. (…) Nous sommes sur la bonne voie, et nous y demeurons car, inéluctablement, tant que nous poursuivrons notre lutte sans faiblir et sans faillir un beau jour nous recouvrerons notre liberté, pleine et entière. »

Mais depuis le 11 avril dernier, et même bien avant,  M. Mamadou Koulibaly a perdu son éloquence marquant ses diatribes contre la France. Celui qui parlait du « caractère juste de notre combat » contre les pratiques néocoloniales de la France et de « la nécessité de sa poursuite » a plutôt fui le combat et décidé non seulement de soutenir son coup d’Etat mais aussi de le « légitimer ». Oui M. Mamadou Koulibaly a décidé de se présenter désormais comme l’un des artisans de la pseudo-légitimation du coup d’Etat du 11 avril. Celui qu’il appelait « le chef des rebelles » (dans La guerre de la France contre la Côte-d’Ivoire) est aujourd’hui appelé par lui « le Président de la République ».
En véritable alchimiste, sorcier et magicien politique, il se dit être préoccupé d’inscrire le coup d’Etat du 11 avril, opéré principalement par la France, dans la légalité constitutionnelle et dans l’Etat de droit. C’est ce qui ressort de ses propos : « Je lui [Ouattara] ai fait part des préoccupations des députés qui aimeraient bien qu’en tout début de mandat, nous puissions nous inscrire dans la légalité constitutionnelle. Les ordonnances qui sont prises actuellement doivent avoir l’autorisation de l’assemblée nationale et d’une régularisation. Le président a donné son accord pour cette autorisation. (…) Nous avons parlé de l’Etat de droit pour expliquer qu’il est important qu’en début de mandat, conformément aux vœux de l’Union africaine, que le président puisse avoir une prestation de serment de façon régulière. Il a donné son accord. Je crois savoir que le président du Conseil constitutionnel est en route d’Accra pour Abidjan. (…) Le président m’a dit qu’une cérémonie sera organisée pour rester conforme au vœu de l’Union africaine.  » (Le Nouveau réveil du jeudi 21 avril 2011) Alors que le Président Laurent Gbagbo, son épouse Simone Gbagbo bénéficiant d’une immunité parlementaire, et bien d’autres citoyens sont arbitrairement détenus par les rebelles, le Président de l’Assemblée nationale n’a pas osé demander leur libération sans condition à celui qu’il appelait le chef des rebelles.

En faisant allégeance à M. Ouattara, M. Mamadou Koulibaly a fait preuve de déshonneur et de haute trahison de  la Nation. Il a tristement raté son entrée honorable dans l’histoire de la Côte-d’Ivoire par l’article 40 de la constitution ivoirienne, faisant de lui l’intérimaire du Président Laurent Gbagbo en cas de décès, de démission ou d’empêchement absolu. L’occasion historique était offerte à M. Mamadou Koulibaly pour s’opposer au coup d’Etat de la France et assurer l’intérim du Président Gbagbo. Il aurait montré ainsi son attachement à la légalité constitutionnelle, la constance et la sincérité de son combat contre la France et les autres puissances néocoloniales. Mais triste constat : l’homme a manqué son rendez-vous avec l’Histoire, par son incapacité de prouver le mouvement en marchant.

IV- LE CAS YAO N’DRE PAUL: PRESIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M.YAO N’Dré Paul dispose-t-il d’arme juridique pour annuler la décision du Conseil constitutionnel et investir légalement M. Alassane Dramane Ouattara comme Président de la République de Côte-d’Ivoire?

Rentrée d’Accra où il s’était refugié, le Président du Conseil constitutionnel a été reçu en audience par M. Alassane Ouattara. Ils auraient convenu de l’investiture prochaine de celui-ci comme Président de la République de Côte-d’Ivoire. Sortant de cette audience, M. YAO N’Dré Paul a fait la déclaration suivante: «Nous sommes tous responsables de ce qui est arrivé: le Président actuel, le Président parti, Laurent Gbagbo, les citoyens, les médias, tout le monde est responsable, voilà.» C’est le lieu de dénoncer l’accusation du peuple ivoirien par M.YAO N’Dré Paul. Le peuple ivoirien a été la principale victime de la faute commise par le Conseil constitutionnel. Le président du Conseil constitutionnel peut faire humblement son mea culpa dans la tragédie actuelle de la Côte-d’Ivoire. Car l’institution qu’il dirige avait, selon l’article 38 de la Constitution, la responsabilité de la prise de décision définitive pour empêcher la tenue de l’élection présidentielle sans le désarmement des rebelles. Mais le Conseil constitutionnel n’a pas été capable de prendre cette responsabilité historique, afin de garantir aux ivoiriens une élection présidentielle démocratique, libre et transparente.

Or le COPACI (Courant de Pensée et d’Action de Côte-d’Ivoire), faut-il le rappeler, dans ses déclarations publiques, n’avait cessé de marquer sa claire et ferme opposition à une élection présidentielle sans désarmement. Le COPACI avait averti que l’élection présidentielle ne pouvait être démocratique, libre et transparente sans le désarmement, et que la paix tant recherchée par cette élection ne pouvait être garantie dans ce contexte. La tragédie postélectorale nous donne malheureusement raison.

Le projet d’investiture de M. Ouattara par M.YAO Paul N’Dré met celui-ci en contradiction avec ses propos antérieurs et l’engage sur la voie de la trahison. A l’occasion de la sortie officielle de la 49ème promotion de l’Ecole Normale Supérieure, le Président du Conseil constitutionnel, dans son discours, évoquait la nécessité de bâtir un Etat démocratique, moderne et souverain et la nécessité de respecter la Constitution. « (…) L’accession au pouvoir par le suffrage universel légitime, disait-il, le pouvoir d’Etat et son dépositaire. Ensuite, l’avènement d’un Etat démocratique requiert un environnement propice et la mise en place d’institutions fortes, ointes par la légitimité et la légalité, et l’existence de règles devant favoriser l’intervention des citoyens dans toutes les cellules sociales quant à la prise des décisions. (…) Le règne de la loi, notamment la Constitution, est concomitant à l’émergence d’un Etat démocratique et moderne. Les producteurs de la loi, tous les citoyens et tous ceux qui vivent sur le territoire national doivent être soumis à la loi. C’est l’Etat de droit. (…) Il est donc indispensable que la souveraineté, la Constitution ainsi que les Institutions soient respectées et, au besoin, protégées pour inscrire l’Etat démocratique dans la modernité pour le développement durable. Et c’est ce que les Ivoiriens ne cessent de faire depuis la crise du 19 septembre 2002. (…) C’est à ce prix que nous bâtirons ensemble, dans un élan collectif, un Etat démocratique, moderne et souverain ivoirien pour un respect de sa loi fondamentale, de sa Constitution, de l’état de droit, des droits humains et de sa souveraineté. C’est un impératif dû par tout citoyen ivoirien. C’est pourquoi, nous devons résister et résister, lutter et lutter pour vaincre.» Après avoir avoué son attachement à la légalité constitutionnelle et à l’Etat de droit, le Président du Conseil constitutionnel va-t-il violer la Constitution ivoirienne en son article 98 ? Après avoir appelé à la résistance et à la lutte pour la souveraineté de la Côte-d’Ivoire et le respect de sa Constitution, va-t-il se résigner et abandonner la lutte ?
Encore une fois, faut-il rappeler à M. YAO N’Dré Paul que l’article 98 de la Constitution stipule clairement que « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale. ». Vu cet article 98 de la Constitution, malgré sa qualité de Président du Conseil constitutionnel, il ne peut annuler la décision N° CI-2010-EP-34/03-12/CC/SG par laquelle cette institution a proclamé, en son article 3, Laurent Gbagbo Président de la République de Côte-d’Ivoire. Une annulation de cette décision ne sera rien d’autre que l’opération d’un viol juridique scandaleux, ridicule et absurde.
Nous sommes curieux de savoir par quelle argutie, acrobatie ou prestidigitation juridique le Président du Conseil constitutionnel pourra librement proclamer et investir Ouattara comme le Président de la République de Côte-d’Ivoire. En tout état de cause, toute prestidigitation juridique de légitimation constitutionnelle de M. Ouattara ne s’inscrira que dans la pure illégalité et sera par conséquent nulle et de nul effet.

Le Président du Conseil constitutionnel  investira-t-il M. Ouattara  contre son gré, en cédant aux contraintes, pressions et menaces ? La réponse affirmative à cette interrogation hypothétique confirmera davantage la nullité d’un tel acte conformément au code civil ivoirien en ses articles 1111, 1112 et 1113 qui rend nulle et de nul effet toute obligation ou tout acte consenti sous l’effet de la violence et des menaces.

CONCLUSION : LE COMBAT CONTINUE

La manie d’allégeance constatée chez les Présidents d’institutions de la République est symptomatique de leur manque de courage et de leur trahison. Rien ne saurait justifier ou légitimer leur allégeance, même des contraintes, menaces et pressions exercées sur eux. Car constituent une preuve contre eux tous les risques pris par le Président Gbagbo et les patriotes dans ce combat contre le néocolonialisme, en bravant les pressions et les menaces de tous genres.

M. Ouattara a-t-il vraiment besoin d’une investiture pour gouverner ? N’a-t-il pas formé un gouvernement, nommé des ambassadeurs et pris des décisions de chef d’Etat sans être officiellement investi Président de la République ? Si sa prestation de serment par écrit a une valeur juridique, pourquoi ne s’en contente-t-il pas ? Ce besoin d’investiture est pour nous une tentative de voiler une imposture.

Les patriotes ivoiriens, loin d’être découragés et désespérés par la lâcheté et la trahison de ces Présidents d’institutions, doivent être et demeurer les épigones du Président Laurent Gbagbo dans le combat pour l’indépendance et la souveraineté véritables de la Côte-d’Ivoire. Seul ce combat laisse ouverte la perspective d’un peuple ivoirien libre et profitant pleinement de ses richesses naturelles et culturelles.

Le Président Laurent Gbagbo a montré aux patriotes ivoiriens et d’Afrique la voie à suivre pour transformer en réalité concrète leur rêve de liberté, d’indépendance et de souveraineté véritables de leur nation. Refusant la fuite ou l’abdication pour jouir d’un exil ou d’une retraite heureuse, alors qu’il en avait  la possibilité, le Président Gbagbo, dans ce combat contre le néocolonialisme de la France, a fait le choix de risquer sa vie et celle des membres de sa famille.

Il était devenu fou en se mettant au service passionné de son dieu. Son dieu n’était rien d’autre que son rêve sacralisé d’une Côte-d’Ivoire véritablement  indépendante et souveraine. Sa folie est celle de l’homme révolté, l’homme qui dit « NON », en risquant sa vie, à toute forme d’asservissement et d’oppression. Par ce « NON », il a fait preuve de courage et de responsabilité devant l’Histoire.

Les patriotes d’ici et d’ailleurs ont le devoir historique de garder allumé le flambeau de la lutte pour l’indépendance et la souveraineté véritables de la Côte-d’Ivoire.  Laurent Gbagbo n’est pas mort sous les bombardements et les assauts criminels des ennemis de la Côte-d’Ivoire. Mais gardons nous d’être ses assassins en tuant par notre lâcheté, notre trahison et notre désespoir le combat politique qui, depuis sa jeunesse, est devenu son souffle de vie.

BLAISE PASCAL LOGBO
Président du COPACI
(Courant de Pensée et d’Action de Côte-d’Ivoire)