mardi 17 janvier 2012

[Afrique] Le Franc CFA : un anachronisme colonial

Le franc CFA: un anachronisme colonial
Dimanche, 15 Janvier 2012 07:11
René Mavoungou Pambou
Tribune libre

La France perpétue une politique néocoloniale et prédatrice vis-à-vis des néocolonies de son pré carré africain. A l’évidence sans ces dernières la France ne saurait faire le poids sur la scène internationale. Non seulement l’Afrique lui procure l’indépendance énergétique, mais elle y tire également sa vigueur économique. Pour ce faire, le franc CFA (franc des colonies françaises d’Afrique) a été conçu et imposée depuis 1945 à 14 colonies pour le profit de la France principalement.  Le franc CFA est non seulement le seul système monétaire colonial au monde ayant survécu à la décolonisation, mais il est surtout  le pilier par excellence du pacte colonial, d’autant qu’il permet à la France de contrôler et de piller les économies des Etats faisant partie de cette zone monétaire. Il convient de signaler que l’une des clauses de ce pacte réside dans la centralisation des réserves de change. En effet, en contre partie de la convertibilité illimitée garantie par la France, les banques centrales africaines s'engagent à déposer au moins 65% de leurs réserves de change auprès du Trésor français, sur des comptes portant le doux nom de « Comptes d'opérations ». Imaginez-vous, 65% des avoirs (masse conséquente d’argent) de nos pays déposés chaque année dans un compte logé à l'étranger, alors que des infrastructures de base (hôpitaux, écoles, routes…) attendent d’être construites. A cela s’ajoute le fait qu’une bonne partie de la ponction, non moins importante, relative aux détournements des deniers publics opérés par les dirigeants africains finit dans des banques françaises.

Notons que ces Etats africains, une fois confrontés à des soucis de trésorerie, se tournent naturellement vers la France pour des prêts. Des prêts qu’elle leur accorde volontiers en puisant dans ces mêmes comptes d'opérations. Bien évidemment, le remboursement de ces prêts est soumis à des taux d’intérêt colossaux. Les congolais et toutes les populations de la zone CFA sont volés pour ainsi dire par un jeu monétaire subtil mais diaboliquement efficace de la France. On ne saurait hésiter de voir en un tel système l’incarnation achevée d’un néocolonialisme négrophobe.

On est face à un mécanisme de spoliation et d’asservissement financier pompeusement estampillé « légal ». Par ce système inique et pervers la France exploite plus que doublement les Africains. C’est ici le comble d’une Afrique à la fois riche, paupérisée et réduite en mendiante ! En somme, les Africains ploient sous le joug d'une servitude financière.  A cela s’ajoute le pillage de nos matières premières. La France prospère allègrement sur le terreau de la misère des Africains et contribue ipso facto au  développement du sous-développement. On ne le dira jamais assez la prétendue “douce” France et droit de "l’hommiste" est en partie responsable de la misère et de la  pauvreté chroniques imposées aux Africains. A quand la fin de cette exploitation éhontée et de la domination impérialiste? Ce siphonage de l’argent des Africains est tel que, étranglés par une misère épouvantable, ces derniers émigrent en masse à l’étranger, notamment en France. Mais paradoxalement ici, ils ne sont guère les bienvenus, car taxés d’envahisseurs indésirables qui arrachent le pain de la bouche des français. De par cette attitude incongrue et xénophobe, les français ne joueraient-ils pas les vierges effarouchées ?

De ce qui précède, la preuve indéniable nous vient des aveux sans ambiguïté de Jacques Chirac dans un entretien télévisé : " Une grande partie de l'argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l'exploitation depuis des siècles de l'Afrique ". De terribles révélations qui reposent le débat sur l’existence du franc CFA et l'indépendance monétaire voire économique des anciennes colonies françaises d'Afrique. " Il faut avoir un petit peu de bon sens, (...) de justice pour rendre aux Africains ce qu'on leur a pris d'autant que c'est nécessaire si l'on veut éviter les pires convulsions ou difficultés avec les conséquences politiques que cela comporte ", avait-t-il confessé.

La France perpétue sans état d’âme une  politique d’exploitation financière et de mainmise sur les matières premières de l'Afrique. C’est pourquoi tous ceux des leaders nationalistes africains qui osent remettre en cause le statu quo (l’ordre néocolonial) sont souvent évincés du pouvoir quand ils ne sont simplement réduits au silence. C’est ainsi que Sylvanus Olympio, premier président du Togo, sur le point de créer une nouvelle monnaie pour son pays, est assassiné le 1963 des suites d’un coup d’Etat commandité par la France. Thomas Sankara, après avoir compris le système pervers d’exploitation mis en place par les anciennes puissances coloniales, en vint à conclure que celles-ci devaient beaucoup plus les Etats africains, et par conséquent incitait les dirigeants du tiers-monde à ne pas honorer la lourde dette financière dont ils sont redevables vis-à-vis des pays occidentaux. Le France ayant estimé qu’il était trop dérangeant lui fit subir une fin tragique en 1987. Dans les années 70, Elf-Congo amorce l’exploitation du pétrole au Congo-Brazzaville, Marien Ngouabi, un tenant du marxisme-léninisme, se montre très critique vis-à-vis d’une France impérialiste, et est moins enclin à protéger les intérêts de celle-ci. Aussi la France est perçue par d’aucuns comme la main noire ayant commandité son assassinat. Pour avoir fait perdre à la France la gestion effective du pétrole congolais, en 1997 Pascal Lissouba, président démocratiquement élu, est renversé des suites d’un coup d’Etat sanglant avec bien sûr la complicité de l’Elysée. Récemment, lors de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, face à la stratégie d’asphyxie des banques ivoiriennes initiée par ses adversaires, Laurent Gbagbo a envisagé de quitter le franc CFA et créer une monnaie autonome. Ceci aura été la vexation de trop pour laquelle il s’est attiré davantage les foudres de la France au point de manquer in extremis la mort. Non contente de l’avoir arrêté et confié aux mains des FRCI, la France a fomenté son enlèvement et sa déportation à la CPI de la Haye (Pays Bas), et ce en violation flagrante de la procédure judiciaire. Il y a cependant lieu de déplorer la subordination ou du moins servilité aveugle de certains hommes politiques africains à l’endroit de la France. Ce qui les pousse à éliminer leurs compatriotes au nom des intérêts d’une puissance néocoloniale. La France profite sans complexe de la félonie des autocrates et autres potentats notoires qu’elle a hissé à la tête  des Etats de son pré carré !

En somme, on retiendra que la France rechigne quant à la pleine émancipation des Africains et leur refuse obstinément le droit à la souveraineté monétaire par le maintien d’un anachronisme colonial qu’est le franc CFA. C’est pourquoi il sied d’affirmer que la décolonisation est un processus inachevé dans ce sens que la prédation financière et économique du continent est toujours en vigueur et que la domination politique, militaire, culturelle de la puissance néocoloniale se poursuit. On ne saurait indéfiniment transiger avec la prédation encore moins de se complaire d’une pseudo indépendance! Il est donc impérieux pour les Africains de s’unir et ensemble de se battre en vue de la libération effective du carcan de l’asservissement sinon du joug néocolonial, car l’indépendance nominale octroyée n’est en réalité qu’une autonomie. La véritable indépendance, à laquelle nous aspirons, ne s’acquerra que de haute lutte. Il appert cependant que l’indépendance est une valeur qui vaut la peine qu’on se batte et qu’on se sacrifie pour elle. C’est pourquoi il convient d’avoir présent à l’esprit que de toutes les libertés humaines, la plus sacrée est l’indépendance de la patrie.

René Mavoungou Pambou

Ndlr - Le franc des Colonies françaises d'Afrique est devenu le franc de la Communauté financière africaine (Fcfa)

- Lire également : Koulibaly Mamadou, Les servitudes du pacte colonial, Ed. CEDA/NEI, Abidjan (Côte d’Ivoire), 2005.
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SOURCE : http://www.mwinda.org

lundi 9 janvier 2012

CÔTE D'IVOIRE : Les pénuries de sang font des victimes dans l'Ouest du pays


MAN, 8 janvier 2012 (IRIN) - Dans les hôpitaux et les établissements de santé de l'ouest de la Côte d'Ivoire, les pénuries de sang sont à l'origine de décès qui auraient pu être évités, en particulier parmi les enfants, selon des responsables de la santé locaux et internationaux.

 Quatre-vingt-six personnes qui avaient besoin de transfusions sanguines sont décédées à l'hôpital de Man, le principal établissement de l'ouest du pays, pendant les 11 premiers mois de 2011. Selon les dossiers de l'hôpital, les trois quarts d'entre eux étaient des enfants.

 « De nombreuses personnes meurent dans l'ouest à cause des pénuries de sang et des difficultés d'accès au sang », a dit Bisimwa Ruhana-Mirindi, coordonnateur du groupe sectoriel Santé de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

 En 2011, les violences postélectorales ont rendu l'accès au sang presque impossible pendant plusieurs mois, a ajouté M. Ruhana-Mirindi. Les citoyens craignaient de se rendre dans les hôpitaux ou dans la seule banque de sang de la région, à Daloa (à 180 kilomètres de Man), à cause des groupes armés qui continuaient de tenir des postes de contrôle illégaux. Pendant cette période, les campagnes de collecte de sang de routine ont cessé.

 Les dossiers médicaux montrent que, parmi les 923 personnes qui avaient besoin de transfusions sanguines à l'hôpital de Man, 19 pour cent n'en ont pas reçu, et que la moitié d'entre elles sont décédées.

 La plupart des patients qui avaient besoin de transfusions étaient des enfants comme Soumaïla Djiré, un jeune homme de 13 ans qui souffre d'une anémie due au paludisme. Lorsqu'IRIN s'est rendu à l'hôpital, Soumaïla était très maigre et respirait difficilement. Les médecins disposaient d'une seule poche de sang pour le soigner, mais le pédiatre disait qu'il en faudrait plus. La famille n'avait pas les moyens de se rendre à la banque de sang située à Daloa.

 Les proches de Soumaïla n'auraient pas pu donner du sang sur place non plus : « L'hôpital [de Man] ne dispose pas des équipements adéquats pour collecter et entreposer du sang conformément aux normes nationales », a dit Anderson Latt, coordonnateur régional de la santé pour l'OMS.

 Pendant les violences postélectorales, le système de santé a été pratiquement paralysé dans l'ouest du pays. Les établissements de santé ont été pillés, les membres du personnel ont abandonné leur poste et le gouvernement a cessé de verser des salaires aux travailleurs de la santé.

 Depuis la prise de fonction du président Alassane Ouattara en mai 2011, le gouvernement a ordonné au personnel médical de retourner au travail et a commencé à leur verser un salaire régulier et à organiser des visites sur le terrain pour veiller au bon fonctionnement des cliniques, selon M. Latt.

 « Le gouvernement contribue à rétablir les systèmes de santé, et il a également distribué des fournitures médicales dans les établissements de santé », a dit M. Latt. La première dame, Dominique Ouattara, a aussi donné plusieurs ambulances à des hôpitaux situés dans l'ouest du pays.

Manque d'argent

 Or, selon M. Latt, certaines ambulances ont été volées et la difficulté et les coûts que suppose l'accès à la seule banque de sang de la région ont entraîné de nombreux décès. Les proches des patients doivent faire le trajet jusqu'à la banque de sang et le centre de transfusions de Daloa. Il faut compter plus de quatre heures pour s'y rendre en ambulance, et on ne peut pas toujours y obtenir du sang. L'hôpital de Man demande 140 dollars pour envoyer l'ambulance à la banque de sang. Rares sont les familles qui ont les moyens de se le permettre. La plupart d'entre elles dépendent des transports publics.

 « Pendant ce temps, l'enfant est peut-être en train de mourir », a dit M. Latt.

 La banque de Daloa distribue des poches de sang à l'hôpital de Duékoué, au sud de Man, mais celui de Man ne dispose pas des installations nécessaires pour les entreposer, a indiqué Alassan Coulibaly, le directeur de l'hôpital. L'organisation Save the Children vient livrer du sang en provenance de Daloa environ une fois par semaine, mais l'hôpital l'utilise « tout de suite », a dit M. Coulibaly, ajoutant : « Chaque fois que quelqu'un a besoin de sang, ils doivent aller à Daloa ».

 L'hôpital de Duékoué est lui aussi confronté à des pénuries de sang, a dit un médecin de l'organisation Médecins Sans Frontières (MSF) qui travaille dans l'établissement. MSF y offre des soins gratuits, et notamment des opérations chirurgicales, ce qui attire un grand nombre de patients. Toutefois, la demande dépasse l'offre, a dit Sarah Pestieau, médecin pour MSF, ajoutant : « Cet hôpital bénéficierait grandement de la création d'un centre de transfusions ».

 L'hôpital de Man ne dispose que d'une seule ambulance. Par ailleurs, elle ne bénéficie pas du soutien de MSF et se trouve encore plus loin de la banque de sang. À cause des coûts et des difficultés que suppose l'accès au sang, les familles et les médecins attendent que les cas s'aggravent : « Nous finissons par attendre que des symptômes graves se manifestent, comme une respiration difficile. ou le coma », a dit Horace Akapo, pédiatre à l'hôpital de Man.

 L'OMS et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) ont mené une campagne de collecte de sang entre mars et juin 2011, alors que les combats faisaient rage, et ont ensuite distribué près de 5 000 poches de sang à des hôpitaux difficilement accessibles situés dans l'ouest du pays, a indiqué l'OMS. Les fonds se sont cependant épuisés en juin. « Nous avons eu du soutien pendant un certain temps, mais nous n'avons plus d'argent dans notre budget [pour des collectes et des distributions de sang] », a dit M. Latt.

 lb/oss/cb-gd/amz[FIN]




Nouveau film sur le Burundi: Tourner la page du passé? http://www.irinnews.org/film/?id=4512

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