lundi 29 octobre 2012

[Afrique] Justice internationale et souveraineté des Etats africains

[Afrique] Justice internationale et souveraineté des Etats africains

Dimanche, 28 Octobre 2012 18:47 par P. Mouanda-Moussoki

Tribune libre
moussokiLa CPI – Cour pénale internationale – a rendu son premier jugement le 14 mars 2012. L'inculpé, un africain, Thomas LUBANGA, ressortissant du Congo démocratique, est condamné à 14 ans d'emprisonnement pour crimes de guerre. Il lui est reproché d'avoir utilisé des enfants soldats dans un conflit armé. Ironie du sort, le Statut de la CPI est entré en vigueur le 1er juillet 2002 après la soixantième signature par la République démocratique du Congo le 11 avril 2OO2. To léka !
Les affaires instruites concernent essentiellement des africains. Cet état de choses, qui étonne et détonne, a conduit nombres d'observateurs, surtout africains, à contester l'impartialité de cette juridiction censée être indépendante et apolitique. Pas étonnant que l'on parle, dans certains milieux, de '' Loi du plus fort '', de '' Justice des vainqueurs'', '' d'instrument de l'occident destiné à dépouiller les petits Etats de leur souveraineté '', etc.
M. Jean Ping, ancien président de la commission de l'Union Africaine avait en son temps accusé la CPI de '' harceler '' l'Afrique. Mme Nkosasana Dlamini-Zuma, qui vient de lui succéder, adopte la même ligne de conduite lorsqu'elle affirme, concernant l'affaire El-Béchir, qu'une arrestation du président soudanais serait malvenue, au motif que cela pourrait compromettre le processus de paix initié dans son pays. La sud-africaine nouvellement élue fait ainsi sienne la position adoptée par l'UA qui refuse de coopérer avec la CPI sur ce dossier. Les chefs d'Etat africains ont aussi, pour la plupart, adopté la même attitude depuis 2009, année de l'inculpation d'Omar El Béchir.
Thomas Lubanga
lubanga1Cette attitude de défiance envers la CPI se trouve surtout exacerbée par le fait que les Etats-Unis, pays auquel on donnerait le bon label d'« Etat de droit » sans profession de foi, refuse de reconnaître les prérogatives de la CPI. De même, peut-on légitimement regretter voire condamner l'attitude d'Israël qui ne reconnaît pas l'autorité de la CPI. C'est d'ailleurs d'autant plus regrettable que la patrie de Ben Gourion est, à certains égards, le pays qui a porté la justice internationale sur les fonts baptismaux, avec le procès Eichmann. Procès au cours duquel la justice israélienne a jugé en 1961, pour des crimes perpétrés en Allemagne, en France, en Pologne et en Hongrie, un ressortissant allemand – le Sieur Eichmann – résidant en Argentine, « transféré » et jugé dans un Etat qui n'avait en l'espèce ni la compétence territoriale ni la compétence personnelle, mais qui a su à bon droit se prévaloir de la compétence universelle.On a beau affirmer que la CPI juge les individus et non les Etats. Rien à faire! Les partisans du discours '' justice universelle, justice du plus  fort'' n'en démordent !
Tollé de plus en plus assourdissant depuis l'arrêt du 20 juillet 2012, arrêt de la Cour internationale de Justice qui condamne le Sénégal dans l'affaire « Belgique contre Sénégal ». Cet arrêt est l'aboutissement d'une requête introduite le 19 février 2009 par le Royaume de Belgique contre le Sénégal à propos '' d’un différend relatif au « respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre [M. Hissène Habré, ancien président de la République du Tchad], ou de l’extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales ».
" De quoi je me mêle ! '', pourrait-on dire, tant le principe « Pas d'intérêt pas d'action » semble applicable en l'espèce. On serait également tenté de se poser la question suivante: la Belgique, aurait-elle pu prendre l'initiative de traîner la France, l'Allemagne ou les Etats-Unis devant la Cour internationale de justice, si M. Hissène Habré avait trouvé refuge dans l'un des pays cités et que ce pays ne l'avait ni jugé ni extradé ? Mais, trêve de conjectures! Le sujet est d'importance . Il l'est tel qu'on ne saurait s'accommoder de subterfuges !
Sur l'argument selon lequel la justice internationale s'acharne sur les Etats africains qu'elle prive du monopole de la répression pénale considéré par tout Etat comme un des attributs de sa souveraineté, deux observations méritent l'attention !
Gbagbo à la CPI
gbagbocpi1La première partira de la célèbre phrase de Descartes revisitée par le juriste et homme politique italien du début du xxè siècle, Vittorio Emmanuele Orlando, connu entre autres pour avoir piqué une colère mémorable à la Conférence de versailles en 1919 ; il a écrit : « l'Etat souverain doit dire jubeo ergo sum, je commande donc j'existe » (cité par Antonio Cassese dans Crimes internationaux et juridictions internationales p.17, PUF). Antonio Cassese, professeur à l'université de Florence et ancien président du TPIY précise : « Ceux qui ont travaillé dans les tribunaux pénaux internationaux le savent bien: ces tribunaux n'ont pas le pouvoir de 'commander', car ils n'ont pas de pouvoir judiciaire à leur disposition. Pour recueillir des éléments de preuve, pour convoquer les témoins, pour effectuer des perquisitions ou des saisies, pour notifier et faire exécuter des mandats de comparution et d'arrêt, et même pour l'exécution des peines, ils doivent s'adresser aux autorités nationales. Ces tribunaux sont donc dépourvus du pouvoir de contrainte; ce pouvoir demeure entre les mains des Etats souverains ». Les africains détenus à La Haye le sont donc grâce à ou cause de la coopération active ou passive des Etats africains qui ont signé et ratifié le Statut de la CPI en toute souveraineté. La Côte d'Ivoire, qui n'a pas ratifié le Statut de Rome, a néanmoins reconnu en toute souveraineté la compétence de la CPI en 2003 sous la présidence de Laurent Gbagbo. Cette reconnaissance a été confirmée par l'équipe Ouattara en 2011.
La seconde observation s'appuiera sur l'article 17 du Statut de Rome qui énonce le principe de complémentarité de juridictions. Principe qui dispose que la compétence de la Cour ne s'exerce que de façon complémentaire à celle des systèmes juridiques nationaux. En fait la compétence nationale pénale prime sur la CPI qui ne peut exercer sa compétence qu'en cas de défaillance du système juridique d'un Etat.
Mme Fatou Bensouda, Procureur de la CPI, qui a succédé à Luis Moreno Ocampo, se trouve au Kénya au moment où s'ébauche ce papier. Elle a fait une déclaration publique dans laquelle elle explique le motif de son séjour. Elle dit en substance avoir constaté que les autorités kényanes, malgré les engagements par elles pris pendant les concertations avec la Cour, n'ont jamais diligenté la moindre poursuite judiciaire contre les auteurs présumés des violences post-électorales. La Cour est en conséquence fondée de prendre l'affaire en main. « Le 5 novembre 2009, mon prédécesseur a rencontré le Président Mwai Kibaki et le Premier Ministre Raila Odinga à Nairobi après avoir été informé par les autorités kényanes de l’impasse regrettable dans laquelle se trouvait la situation au niveau national. Il les a avertis qu’étant donné que les critères du Statut de Rome étaient remplis et que le Gouvernement kényan n’avait pas été en mesure d’établir un tribunal national pour juger les auteurs des crimes perpétrés au cours des violences postélectorales, il se trouvait dans l’obligation d'ouvrir une enquête sur ces crimes présumés
C'est en toute souveraineté que l'Etat Kényan a accueilli Mme Fatou Bensouda sur son territoire. Et c'est avec la coopération des Kényans que le Procureur de la CPI et son équipe s'attèlent à réunir les preuves destinées à confondre les coupables kényans devant la CPI.
On ne peut pas donc soutenir avec succès que les Etats africains subissent avec passivité le diktat de la justice internationale. Il faut quand même rappeler que 133 pays africains ont signé et ratifié le Statut de Rome. Ces signatures et ratifications n'ont été faites sous aucune contrainte extérieure.Qu'en est-il de l'arrêt de la Cour internationale condamnant le Sénégal? Un bref rappel des faits s'impose !

Hisseine Habré
hissenehabreHissène Habré, ancien président du Tchad, exilé au Sénégal, est accusé d'actes de tortures, de barbaries et de crimes contre l'humanité par sept ressortissants tchadiens résidant au Tchad et par un collectif d'avocats représentant les victimes. En 1999, une plainte avec constitution de partie civile est déposée contre M. Habré devant le tribunal hors classe de Dakar. Le 3 février 2000 le juge sénégalais du tribunal régional inculpe l'ancien président des chefs de crimes contre l'humanité, d'actes de tortures, de barbaries et le met en résidence surveillée. Appel est interjeté. Ensuite, dans sa décision du 20 mars 2001 la cour de cassation décide que les juridictions sénégalaises ne sont pas compétentes pour juger des infractions alléguées contre M. Habré, celles-ci ayant été perpétrées hors du territoire national. Cette décision, fortement critiquée, est prise nonobstant le fait que les parties civiles avaient invoqué l'obligation du juge sénégalais à connaître de l'affaire en vertu des dispositions de la Convention contre la torture signée et ratifiée par le Sénégal.Et la Belgique dans tout cela ? La réponse se trouve dans cet extrait du jugement de la CIJ...
« Le 30 novembre 2000, un ressortissant belge d’origine tchadienne a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre M. Habré devant un juge d’instruction belge, notamment pour violations graves du droit international humanitaire, crimes de torture et crime de génocide. Entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, vingt autres personnes ont déposé, devant le même juge, des plaintes similaires contre M. Habré pour des faits de même nature. Ces plaintes, qui se rapportaient à la période allant de 1982 à 1990 et émanaient de deux binationaux belgo-tchadiens et de dix-huit ressortissants tchadiens, visaient des crimes prévus par la loi belge du 16 juin 1993 relative à la répression des violations... »
La Belgique a demandé au Sénégal de juger M. Habré ou de l'extrader comme l'impose la Convention contre la torture. Le Sénégal a finalement modifié son code de procédures pénales et sa constitution pour que le juge national puisse exercer la compétence universelle que la Convention lui reconnait. Malgré ces modifications, le juge sénégalais n'a toujours pas jugé l'ancien président. Ce qui a conduit la Belgique à solliciter le juge international qui a fini par dire et juger « que la République du Sénégal doit, sans autre délai, soumettre le cas de M. Hissène Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale, si elle ne l’extrade pas. »

Mme Fatou Bensouda, Procureur de la CPI
fatoubensouda1Cet exemple est symptomatique, d'une part, du déni de justice dont sont victimes les africains de la part des Etats censés les protéger, d'autre part, de l'impunité de fait dont jouissent certains dirigeants africains qui ont fait du crime un mode d'exercice du pouvoir. La loi du plus fort évoquée plus haut trouve sa manifestation la plus violente dans les rapports entre le plaignant africain et le juge national souvent aux ordres. Les victimes tchadiennes sont en face d'un véritable déni de justice! Lâchées par leur Etat d'origine, c'est un Etat adoptant – la Belgique – qui s'active pour que justice leur soit rendue. Le Kénya est dans l'incapacité de rendre justice aux victimes des violences de 2007-2008. C'est la CPI qui va devoir s'en charger.
Au Congo-Brazzaville, le collectif des parents des disparus du Beach s'était vu opposé le mur du déni de la part du juge national. C'est lorsque les plaignants se sont tournés vers la justice internationale que les autorités du Congo se sont précipitées à organiser un simulacre de procès tristement célèbre. Le but du procès n'était nullement la recherche de la vérité, mais plutôt l'obtention d'un jugement qu'on brandirait pour faire prévaloir le principe Non bis in idem – autorité de la chose jugée – qui dispose que nul ne peut être jugé deux fois pour le même crime. Impunité acquise pour les bourreaux ?
Tout compte fait, l'on se rend compte que les Etats africains jouissent pleinement de leur souveraineté sur la scène internationale. Comme tous les Etats modernes, ils abandonnent ici et là des parcelles de souveraineté. Les crimes contre l'humanité sont une infraction tellement grave qu'on ne saurait laisser la répression pénale en la matière à la discrétion des seuls Etats.
A ceux qui considèrent que la Justice et les droits de l'homme relèvent du domaine réservé de l'Etat, il faut opposer la déclaration de Boutros Ghali lors de l'ouverture de la conférence internationale de Vienne sur les droits de l'homme:
« Lorsque la souveraineté devient l'ultime argument évoqué par les régimes autoritaires pour porter atteinte aux droits et libertés des hommes, des femmes, des enfants, à l'abri des regards, alors – je le dis gravement – cette souveraineté-là est déjà condamnée par l'Histoire ».

Source : www.mwinda.org

jeudi 25 octobre 2012

[France/Afrique] "Le temps de la Françafrique est révolu"

« Le temps de la Françafrique est révolu. »
- Oui monsieur Hollande, mais les actes, c’est maintenant !
Par Lawœtey-Pierre AJAVON

Enseignant-chercheur en Histoire et en Anthropologie, Lawoetey-Pierre AJAVON est Docteur 3ème cycle en Ethnologie et Docteur d'Etat ès Lettres et Sciences Humaines (Anthropologie des Sociétés Orales). Il est auteur de plusieurs articles dans des revues spécialisées, et d'un ouvrage « Traite et esclavage des Noirs, quelle responsabilité africaine ? » paru aux éditions Ménaibuc à Paris.
Le 14ème sommet de la francophonie a vécu. Sans doute également la Françafrique avec, si l’on en croit les déclarations du Président français, François Hollande, lors de son discours devant les députés sénégalais le 12 octobre dernier.
Sortie remarquable du Président qui semble avoir réussi son pari à Dakar, pour sa première visite sur le continent noir. Néanmoins, les Africains circonspects, instruits par les promesses non tenues de ses prédécesseurs, ont osé tout simplement brûler la politesse au nouveau locataire de l’Elysée, en proclamant urbi et orbi : « le Grand Sorcier Blanc est encore venu nous blaguer-tuer comme tous les autres.» Traduisez, en français mariné à la sauce abidjanaise, « le nouchi », Hollande va nous rouler dans la farine. Sentiment que résume parfaitement un autre ivoirien cité par un site panafricain : « Il faut pas nous baga-baga (tourner en bourrique)… Ils commencent tous pareil, les présidents français, avec les mots : nouveau souffle, nouvelle amitié, nouveau bla-bla-bla… »

Aussi, sur le continent, il y a belle lurette que les promesses venues de l’ancienne puissance coloniale ne font plus recette. Et pour cause : le discours de La Baule de Mitterrand au milieu des années 90 sur l’accompagnement des processus démocratiques dans son pré-carré francophone ainsi que la promesse de rupture prônée au début de son quinquennat par le président sortant, Nicolas Sarkozy, ont laissé un goût amer chez bon nombre de démocrates africains.

On comprend pourquoi, de Dakar à Kinshasa, en passant par Abidjan, Bamako, Libreville et Lomé, le discours de François Hollande, au-delà des applaudissements nourris, mais mesurés, entendus dans l’enceinte de l’assemblée nationale sénégalaise, a laissé plus d’un dubitatif, sinon assez sceptique quant aux actes concrets susceptibles d’accompagner les louables proclamations d’intention et professions de foi de l’auto-proclamé « Président du changement ».

Même s’il s’en défend, le Président Hollande aurait tenté de prendre le contre-pied du brûlot raciste et condescendant de Nicolas Sarkozy à Dakar même en 2007. Aux antipodes de ce dernier, le nouveau Président s’est voulu rassurant dans son discours aux accents respectueux des valeurs et de l’Histoire de l’Afrique. Propos par ailleurs doublés d’une certaine repentance, quoique timorée. L’observateur averti dira qu’il est allé plus loin que son prédécesseur, en posant quelques actes symboliques qui ont fini par réconcilier certains Africains avec la Gauche française.

Toutefois, les opposants Congolais pourront continuer à ronger leur frein.  Pour ne pas froisser le Président Laurent Kabila, prudent, François Hollande s’est uniquement contenté devant son hôte de quelques piques, évitant soigneusement de nommer les dinosaures africains qui s’accrochent  au pouvoir contre la volonté de leurs peuples. Foin de la dénonciation des fraudes et irrégularités lors des dernières élections au Congo Démocratique. Foin également des auteurs de viols, crimes, et pillages dans l’Est du Congo soutenus par leurs parrains ougandais et rwandais.

Foin enfin de nombreux sujets qui fâchent, comme l’avenir du franc CFA, monnaie naguère arrimée au franc, et qui aliène depuis 50 ans les quatorze pays de la zone franc, au profit exclusif de la Banque de France, en vertu d’un vieux pacte colonial, dol et léonin. A quand donc la mise en place effective, à l’instar de l’Euro, du projet des chefs d’Etat africains d’Abuja, de la création d’une monnaie unique, véritable attribut de leur souveraineté ?

Quid de la présence des bases militaires françaises qui hypothèquent l’indépendance réelle de plusieurs pays francophones d’Afrique de l’Ouest ? Quid des visas français distillés aux comptes gouttes par les consulats de France représentés en Afrique, aux enseignants-chercheurs, artistes, étudiants et hommes d’affaires africains à qui on rabâche les oreilles lors des grandes messes de la Francophonie, des bienfaits de l’universalité ainsi que de la solidarité de « la grande famille » de tous ceux qui ont en partage la langue française ?

Toutefois, qui en voudra à François Hollande de stigmatiser la cinquantenaire Françafrique, avec sa cohorte de réseaux politico-mafieux ? Qui n’applaudira pas ce Président qui entend désormais nouer avec l’Afrique, des relations plus saines, dénuées de toute tentation d’assujettissement, de paternalisme et de connivence politicarde ? Sans doute, plus que nul autre, ce Corrézien d’adoption avait en mémoire pendant qu’il s’adressait aux députés sénégalais, la célèbre formule du journaliste Raymond Cartier dans les années soixante. « La Corrèze avant le Zambèze ». Aussi, prenant ici et maintenant toute la mesure des enjeux économiques de ce siècle dont l’Afrique, « continent d’avenir », constitue déjà l’un des théâtres majeurs, François Hollande a voulu, s’appuyant sur le rapport du Ministère français de la Défense, repositionner la France dans le jeu actuel où les pays émergents- la Chinafrique triomphante en tête- sont en train de concurrencer durement l’ex Puissance tutélaire. Selon ce rapport prospectif d’experts, « l’Afrique restera une zone de convoitise et de confrontations potentielles et une zone d’intérêt stratégique prioritaire pour la France ».
A Dakar comme à Kinshasa, les symboles forts, il y en eu : hommage à la démocratie sénégalaise, l’une des rares en Afrique francophone, visite de l’Ile de Gorée (un des hauts lieux de l’esclavage) ; reconnaissance du rôle de la France dans la Traite Négrière et dans la colonisation ; rencontre avec Etienne Tshisekedi, l’opposant historique aux dictatures de l’ex-Zaïre et de l’actuel Congo, sans toutefois légitimer, reconnaît le Président français lui-même, ce dernier ; attribution du nom de Floribert Chebeya, journaliste-opposant et militant des Droits de l’Homme congolais assassiné par le régime de Kabila à une médiathèque de l’Institut français de Kinshasa … Mais, peut-on se contenter des seuls actes symboliques qui à l’évidence ne seront suivis que de peu d’effets ?

Nous l’avons dit dans plusieurs chroniques ici même et ailleurs : les Africains ne sont plus dupes face à ces discours. Ils en ont entendu bien d’autres et n’ont rien vu venir. Au Togo, où le Collectif Sauvons le Togo (CST) de Maître Zeus Ata Messan Ajavon et l’ANC de Jean-Pierre Fabre s’opposent au régime en place, depuis plusieurs mois, mobilisant des milliers de Togolais ; au Gabon où, menée par M’ba Obame, une fédération de vingt partis réunis au sein de l’Union des Forces de Changement(UFC) conteste courageusement la dynastie des BONGO qui se maintient au pouvoir par le truchement des fraudes électorales ; au Cameroun où l’opposition tente de s’unir contre le régime corrompu de Paul Biya ; on rappelle qu’on n’a pas attendu le discours de Français Hollande pour diriger la fronde contre ces autocraties françafricaines.

Le Président français a promis de refermer la longue parenthèse des errements de la Françafrique. « Le modèle inégalitaire françafricain est révolu au profit d’un partenariat égal et le refus d’imposer ou seulement de proposer un exemple » affirme-t-il.

Aux Africains de prendre François Hollande au mot afin que, des promesses, il passe maintenant aux vrais actes. Les actes, c’est maintenant ! Les prochaines échéances qui se profilent dans le pré-carré françafricain constitueront une sorte de baptême de feu pour ce « Président du changement » qui vient de tremper ses pieds dans le marigot africain où le terme francophonie ne rime pas forcément avec démocratie et où, surtout, les gros caïmans ne se font aucun cadeau.
Lawœtey-Pierre AJAVON
Octobre 2012
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SOURCE : http://www.blada.com/chroniques/2012/8527-_Le_temps_de_la_Francafrique_est_revolu__.htm