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Le sommet de la francophonie tenu à Kinshasa en République Démocratique du Congo était à coup sûr, une rencontre dépassant le simple cadre des discussions autour de la langue de Molière. Le président français, par le truchement de ses déclarations et actes symboliques posés lors de ce sommet, a voulu signifier l’effectivité de la fin des relations opaques entre la France et certains États Africains.
Pour l’actuel président français, « le
temps de la Françafrique est révolu…» , Il faut maintenant faire place
au partenariat entre États souverains. Cette déclaration peut elle
sonner réellement le glas de la Françafrique ?
Le sommet de la francophonie a
assurément fait bouger certaines représentations autour de la
Françafrique. Du coté de la France, la teneur du discours tenu par
François Hollande à son escale à Dakar, où il a été affirmé
solennellement la fin de la Françafrique, s’inscrivait en droite ligne
des déclarations faites antérieurement par le Président français sur la
situation, jugée inadmissible, des droits de l’homme en République
Démocratique du Congo.
Le retard du président français,
contraignant le président de la RDC, son épouse et le Secrétaire Général
de l’OIF à patienter près de 40 minutes, a été interprété comme un
signe manifeste de critique. Enfin, dernier symbole de « rupture » : le
ton du discours du président français en RDC, qui a établi un lien
direct entre « parler français » et « parler droits de l’homme », doublé
de l’oubli, lors de son allocution, de remercier le président de la
RDC, hôte du sommet de la francophonie, tel que l’exige les usages
diplomatiques et bien sûr « françafricains ».
Du coté du président Kabila, c’est un
accueil presque banal qui a été réservé au président français : le chef
de l’État Congolais ne s’est pas déplacé à l’aéroport pour accueillir la
première autorité de France, comme le veulent les usages diplomatiques
et « françafricains ». Ce rôle a été dévolu au premier ministre
congolais, quatrième personnalité du pays. En outre, le président Kabila
n’a pas manqué de rappeler lors de son allocation, le principe de
l’égalité souveraine qui fonde les relations entre les États membres de
l’O.I.F.
Manifestement, les symboles de rupture
des usages françafricains étaient bien là. Cependant, cette volonté
affichée de mettre fin à la Françafrique est contrecarrée par la
subsistance des liens étroits qui unissent la France et certains États
africains à travers le Franc FCFA et les accords de défense entre
autres, qui font qu’au-delà du symbolique qui vient d’être altérée, il
reste une partie invisible de l’iceberg qui conditionne bien souvent les
rapports entre les deux parties.
En effet, comment peut-on concevoir
l’égalité souveraine ou imaginer un réel partenariat entre les États,
lorsque l'un d'eux exerce à travers la monnaie un certain contrôle sur
les économies des autres ? Le Franc CFA, monnaie qui a survécu à la
colonisation, permet à la France d’exercer à travers deux règles
principales, un contrôle sur les économies des États de la zone C.F.A.
Il s’agit d’abord de la stabilité du taux de change entre le franc CFA
et le franc français devenu Euro. Ensuite, de la garantie, par la
Banque centrale de France, de la convertibilité illimitée du franc CFA
en échange du dépôt sur les comptes du trésor français de la moitié des
réserves de change.
Ce qui fait alors les affaires non
seulement des États africains mais aussi de la France qui peut
influencer par là les politiques économiques des États de la zone FCFA.
Il en est ainsi par exemple de la décision de dévaluation (3) du FCFA
prise en 1994 par la France considérant celle-ci était comme la
meilleure option pour le développement de ces pays. Ce système qui
perdure est, selon le professeur Mamadou Koulibaly, entretenu par
l’influence que la France exerce sur les pays d’Afrique francophone, et
la France n’hésite pas à utiliser des mesures répressives pour couper
les possibles désirs d’émancipation.
Il remarque à ce propos que « nous avons
été témoins de mesures répressives visant à couper court à toute
velléité d’émancipation du système : la protection des intérêts français
a engendré récemment des crises au sujet de l’uranium au Niger, de l’or
au Mali, du pétrole au Tchad, des matières premières et du transfert
des actions d’entreprises du service public en Côte d’Ivoire, auxquelles
sont à ajouter d’autres crises au Rwanda, en République démocratique du
Congo et au Sénégal. »
L’autre aspect invisible de l’iceberg de
la Françafrique, réside au niveau des accords de défense et des
intérêts économiques des entreprises françaises en Afrique. Considérés
comme levier d’impulsion et de protection de la Françafrique aux
lendemains des indépendances, les accords de défense truffés de clauses
secrètes, et les contrats économiques d’exclusivité permettaient de
maintenir une certaine élite africaine au pouvoir. Jugés dépassés pour
ce qui est des accords de défense, leurs renégociations à partir de
2009 a laissé penser que l’opacité qui entourait ceux-ci serait levée
par leurs publications comme promis par les différentes parties.
Il n’en est rien pour l’instant. Pour ce
qui est des contrats d’exclusivité économiques dont certains étaient
garantis par les accords de défense, on continue d’observer une
subsistance du monopole de certaines entreprises. Ces monopoles
favorisent à bien des égards des relations économiques de « copinage »
dont une partie importante est placée sous le sceau de l’opacité.
La volonté affichée de mettre fin à la
Francafrique véritable nébuleuse dont tout le monde admet l’existence,
mais ne saurait exactement cerner la forme et le contenu, ne peut se
limiter au niveau du symbolique. Il faut au-delà, repenser les courroies
matérielles par lesquelles la « relation spéciale » transite.
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