L’entrée fracassante du Rwanda sur les marchés financiers
 (Africa
 Diligence) 3,5 milliards de dollars US pour 250 participants. S’il ne 
fallait retenir qu’une chose de la première émission de bons du trésor 
rwandais, ce sont bien ces chiffres astronomiques à l’échelle du pays 
des mille collines. Une entrée fracassante.
(Africa
 Diligence) 3,5 milliards de dollars US pour 250 participants. S’il ne 
fallait retenir qu’une chose de la première émission de bons du trésor 
rwandais, ce sont bien ces chiffres astronomiques à l’échelle du pays 
des mille collines. Une entrée fracassante.
Le gouvernement rwandais qui n’en 
attendait pas tant s’est saisi de l’occasion pour se féliciter et 
souligner que cette réussite était le fruit d’un travail de  longue 
haleine, un travail qu’il estime justement reconnu par la communauté 
internationale financière. Retour sur le premier emprunt obligataire de 
Kigali.
.
Un emprunt obligataire, pourquoi? Comment?
Depuis une dizaine d’années, le Rwanda 
est cité comme un modèle de développement en Afrique. Les institutions 
financières internationales (FMI, Banque Mondiale, Banque Africaine de 
Développement…) et autres bailleurs de fonds internationaux mettent 
principalement en avant sa forte croissance – plus de 8% entre 2003 et 
2011 d’après la Banque Mondiale -  et son usage efficace de la manne 
financière provenant de l’aide – 3ème pays africain le moins corrompu, 
49ème mondial en 2011 d’après Transparency International.
Cette bonne réputation lui assure des 
prêts importants et un traitement privilégié de la part de ces mêmes 
acteurs économiques internationaux. C’est ainsi qu’en 2005 le club de 
Paris – un groupe informel de pays créanciers – a annulé 100% de ses 
créances rwandaises soit 100 millions de dollars. C’est aussi sur ces 
mêmes fondements qu’environ 35% du budget 2012-2013 – environ 770 
millions de dollars – est financé par des contributions externes.
Dernièrement, le gouvernement rwandais 
était en passe de réussir sa stratégie. Celle- ci consistait à rendre le
 budget national de moins en moins tributaire des ressources externes en
 profitant de l’aide internationale pour réaliser des investissements 
structurels afin de dynamiser la croissance et d’accroître les sources 
de revenus internes pour l’Etat.
Néanmoins, le rapport des Nations Unies 
sur le possible soutien du Rwanda à la rébellion dans l’est de la 
République Démocratique du Congo a changé la donne. En effet, sous la 
pression internationale, de nombreux pays ont suspendu leur financement 
du Rwanda. L’effet sur la réalisation des grands projets fut immédiat. 
Le «Kigali Convention Center» qui devait être inauguré au 
courant de l’année 2012 a pris un coup d’arrêt. Il en va de même pour 
certains projets de développement urbain présent dans le «Kigali Master Plan». Tous
 ces retards étant préjudiciables en terme d’image mais également 
financièrement, le gouvernement rwandais fut dans l’obligation de 
trouver de nouveaux moyens de financement.
Le fond «Agaciro» naît de cet 
impératif. Toutefois, il s’agit plus d’un outil de communication que 
d’un outil de planification stratégique. En effet, un Etat ne peut 
compter sur ses ressortissants pour s’acquitter de leur devoir fiscal 
et, en sus, participer à un système certes patriotique mais qui peut 
être perçu comme une double imposition. Le fait de recourir au marché 
financier est plus conforme aux standards étatiques habituels d’autant 
plus que le Rwanda bénéficie d’une bonne réputation économique.
C’est ainsi que le Rwanda a décidé de se
 lance dans la grande aventure de financement par le marché. Pour cela 
deux banques – BNP Paribas et Citibank- sont mandatées, elles conduiront
 l’opération d’emprunt. Concrètement le Rwanda annonce émettre des bons 
obligataires à échéance de mai 2023 et d’une valeur totale de 400 
millions de dollars US (environ 300 millions d’euros) à un  taux de 
6,875 %. Les agences de notation Standard and Poor’s et Fitch donnent la
 note de B avec une perspective stable à la dette rwandaise ce qui fait 
d’elle un placement spéculatif.  Les officiels rwandais, le gouverneur 
de la Banque Nationale du Rwanda et le ministre de l’Economie et des 
Finances en tête, se transforment en commerciaux et font la promotion de
 l’événement. Des investisseurs sont rencontrés aux quatres coins du 
globe. Boston, Frankfurt, London, Los Angeles, Munich, Hong Kong, New 
York et Singapore sont cités par le ministère de l’Economie et des 
Finances.
L’emprunt obligataire, une réussite et après?
Le gouvernement rwandais voulait 
recueillir 400 millions de dollars US, le marché était prêt à lui en 
donner 3,5 milliards soit plus de 50% du PIB national. Les experts 
prédisaient un taux d’intérêt entre 6,875 et 7%, le gouvernement 
rwandais a obtenu 6,625. Le succès est total.
Avec ces fonds, le gouvernement annonce 
que 80 millions vont servir à refinancer la dette commerciale de la 
compagnie aérienne RwandAir, 120 millions payeront la dette due pour le «Kigali Convention Center»,
 150 millions serviront à terminer la construction de ce même centre 
alors que 50 millions seront alloués à la construction d’une centrale 
hydro-électrique à la rivière Nyabarongo d’une capacité de 28 megawatts.
Ce qui est inquiétant avec cet emprunt 
c’est que 50% de son montant va servir à payer des dettes. Nul besoin 
d’être un expert en finances publiques pour voir le système périlleux 
qui risque de s’installer lorsque qu’un Etat s’endette pour se 
désendetter. Bien que le niveau de la dette publique rwandaise – 22% 
avant l’emprunt obligataire – n’ait pas atteint un seuil alarmant, la 
relative facilité à récolter des fonds via les marchés financiers 
pourrait devenir un engrenage dangereux pour un pays en pleine 
construction économique.
Aussi ce qui parait dommageable c’est de
 voir que l’investissement le plus pertinent est celui doté de la plus 
faible participation financière. Quand on sait que le Rwanda a une 
balance commerciale négative (importations supérieurs aux exportations) 
et que cela provient en partie de sa dépendance au pétrole, première 
source d’alimentation des centrales électriques, toute initiative visant
 à accroître l’usage des ressources propres ne peut qu’être saluée. 
Pourquoi ne pas multiplier ces initiatives étant donné qu’un bon emprunt
 est celui qui prépare l’avenir? Compte tenu des besoins du Rwanda en 
termes d’infrastructures primaires, quel est le lien entre ces dernières
 et l’emprunt?
M. Gatete, Ministre de l’Economie et des
 Finances, a déjà annoncé que le Rwanda se réserve le droit de retourner
 sur les marchés financiers lorsqu’il y aura d’autres projets qui le 
nécessitent. Après le goût délicieux d’un succès retentissant, gare à 
l’arrière-gout qui risque d’être amère tant cet emprunt semble remplacer
 un mal par un autre.
 Boniface DUVAL
SOURCE : 
 
 
 
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