jeudi 10 mars 2016

(Congo-Brazzaville) Sassou-Nguesso est-il (vraiment) un franc-maçon ?



Le Chef de l’Etat du Congo est Grand Maître de la Grande Loge du Congo (GLC), mais l’on peut pourtant se demander s’il est, au plus profond de lui-même, un véritable maçon.

« Sassou franc-maçon ? Il y a longtemps que je ne le reconnais plus comme tel », lâche un franc-maçon congolais de Paris. Personnage clivant, le président du Congo n’en finit plus de s’attirer les critiques d’une majorité de sœurs et frères de Lumière de l’étranger, qui lui dénient même toute véritable appartenance maçonnique. Pour eux, de toute évidence Sassou n’est pas « sorti de la caverne  », il n’a pas tué le « vieil homme » en lui. L’oxymoron qui le caractériserait le mieux serait plutôt celui de « franc-maçon profane ». Car l’initiation ne confère pas systématiquement le statut de franc-maçon. Encore faut-il en être digne, et que la communauté à laquelle vous aspirez à appartenir vous reconnaisse comme tel !

Pour le sociologue Michel Maffesoli, l’universalisme n’est pas consubstantiel à la franc-maçonnerie, qui s’attache plutôt à développer une pensée progressiste incluant les particularismes. La franc-maçonnerie congolaise a aussi ses spécificités. Il n’en reste pas moins qu’elle a pour principe, entre autres, le respect de soi-même et des autres, et la tolérance mutuelle.

Des principes totalement étrangers au président du Congo : en effet, le frère Sassou ne supporte aucun opposant à sa politique, tout comme à sa maçonnerie. Il manque à la fois de retenue et de mesure. Est son ennemi celui qui ne pense pas comme lui ; est son ennemi celui qui n’admire pas son visage… En témoigne la « case prison », où il envoie ses adversaires politiques, dont certains sont des initiés, comme ce qu’il prétend être. Il n’a pas fait sienne la célèbre phrase d’Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser tu m’enrichis. » Par ailleurs, il a privilégié sa géographie personnelle au détriment de la collectivité : seuls les gens de sa région, sinon de son clan, sont habilités à occuper des postes stratégiques au Congo. Sous son « règne  », la corruption s’est répandue dans tout le pays et on ne compte plus les scandales financiers, nationaux et internationaux.

Animé d’une indéfectible volonté de puissance, Sassou ne vit que pour le rapport de force. Il apprécie d’humilier, au gré de son humeur, ses opposants et même ses amis. Aussi a-t-il interdit à cinq candidats à l’élection présidentielle du 20 mars prochain (dont certains sont également des initiés) de quitter Brazzaville. Comment, dans ces conditions, pourraient-ils faire campagne ? Autant qu’il se déclare vainqueur avant même la tenue du scrutin ! L’Union européenne a d’ailleurs annoncé, dans un communiqué, qu’elle n’enverrait pas d’observateurs au Congo pour ladite élection, tant la nouvelle loi électorale ne garantit aucune transparence.

La parole perdue

Du coup, d’aucuns estiment, mezzo voce, que tout le mal du Congo vient peut-être de Sassou lui-même, et par extension de la maçonnerie telle qu’il la pratique. Il est étrange que la Grande Loge Nationale Française (GLNF), obédience dont dépend la GLC, ne le rappelle pas à l’ordre. Pour quelles raisons ? Nul ne le sait. Quoiqu’il en soit, les frères de cette obédience - qui se veut pourtant rigoureuse et observant strictement les obligations morales édictées par les fondateurs anglo-saxons - demeurent silencieux sur celui qui a fait de la plupart des obédiences maçonniques congolaises les apanages de sa puissance.

Pour avoir combattu le Changement de Constitution de 2002, Charles Zacharie Bowao a subi les foudres de la radiation de la GLC. Sassou enfonce ainsi davantage la franc-maçonnerie congolaise dont l’image est déjà très abîmée. Pitoyable !

Le GOLAC (Grant Orient et Loges associées du Congo) et le GOCB (Grand Orient du Congo-Brazzaville), obédiences a-dogmatiques et libérales, sont en effet dirigées désormais par deux de ses proches, respectivement par Jérôme Koko, directeur de la SNPC (Société nationale des pétroles congolais) et Laurent Tengo, conseiller juridique de Sassou lui-même. À l’occasion des REHFRAM (Rencontres humanistes et fraternelles d’Afrique et Madagascar), qui se sont tenues en février 2016 à Douala (Cameroun), les deux Grands Maîtres congolais sus cités ont conversé avec leur homologue du Grand Orient de France, Daniel Keller. Que lui ont-ils dit à propos du Congo ? Rien ! Pour eux tout va bien…

Durant le débat sur le changement de Constitution, ils sont demeurés tout aussi silencieux, très probablement par crainte de représailles. Ce mutisme s’explique peut-être aussi par le fait que le chemin le plus court pour disposer d’une automobile 4X4 et d’une maison climatisée passe par… le Très Respectable Grand Maître Sassou Nguesso ! La parole s’est perdue, c’est le cas de le dire ! Au Congo de Sassou, on est comme dans Quelque part dans l’inachevé de Vladimir Jankélévitch : un espace où le silence fait alliance avec les ténèbres, décomposant ainsi la pureté du silence. L’on peut donc se demander si ce soi-disant franc-maçon du Congo ne s’apparenterait pas plutôt à Néron jouant de la lyre dans le silence de la nuit, alors que Rome brûle.

Bedel Baouna

Source : Mikiliweb

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