Présidentielles 2026: Pas de préalables, mais des conditions démocratiques incontournables
Dans un contexte de crise institutionnelle et de déficit démocratique au Congo, la question électorale demeure profondément problématique. Dans cette deuxième partie de son interview, Modeste Boukadia, au nom du CDRC et dans le cadre de la dynamique ToPeSA, livre une analyse sans concession d’un processus électoral qu’il juge davantage destiné à légitimer le pouvoir en place qu’à permettre une véritable alternance. Sans poser de préalables personnels, il rappelle néanmoins les exigences minimales d’une élection crédible.
Question : Vous avez formulé certains préalables pour la participation aux élections au Congo. Pouvez-vous rappeler quels sont ces préalables ?
Réponse: Je ne pense pas avoir abordé la question en ce sens, c'est-à-dire que je n’ai jamais posé de préalables. J’ai toujours dit que dans l’état actuel du pays, organiser une élection est une fuite en avant et ceux qui y participent ne font qu’accompagner le gagnant d’avance désigné par tricherie puisque j’ai toujours affirmé que si même Dieu le Tout-Puissant, Omniscient et Omnipotent venait à participer à une telle élection, Denis Sassou Nguesso se déclarerait vainqueur devant Dieu. Je pense que cela dit tout. Cependant, pour toute élection, il y a des conditions minimales de crédibilité démocratique.
Ces préalables sont notamment :
- La réforme profonde de la Commission électorale, afin qu’elle soit indépendante du pouvoir exécutif et composée de personnalités crédibles ;
- La maîtrise et la transparence du fichier électoral, avec un audit indépendant et public, cela implique que tous citoyens congolais, y compris ceux de la diaspora, doivent avoir accès au scrutin et donc avoir une carte d'électeur, donc une carte nationale d’identité. Ce qui est loin d’être le cas ;
- L’égalité d’accès aux médias publics pour tous les candidats ;
- La fin de l’instrumentalisation des forces armées, de police et de sécurité à des fins politiques ;
- La présence d’observateurs nationaux et internationaux crédibles, avec un accès réel aux bureaux de vote et aux centres de compilation.
Sans ces éléments, il ne s’agit pas d’élections, mais d’un rituel inamovible de légitimation d’un pouvoir déjà en place.
Question : Le gouvernement ne répondant pas à ces préalables, que recommandez-vous aux Congolais :
○ de déclarer forfait et de s’abstenir de voter ou,
○ d’aller voter pour un candidat que vous pourriez proposer, ou celui de leur choix ?
Réponse: Nous récusons ces deux choix qui n’en sont pas.
Déclarer forfait et s’abstenir, c’est laisser le pouvoir proclamer tranquillement des résultats sans contradiction populaire visible.
Aller voter sans stratégie, c’est participer à une mise en scène qui consacrera devant le peuple la perdition continuelle de notre pays et dont l’issue est connue à l’avance.
La position du CDRC dans le cadre de ToPeSA se veut plus responsable : c’est d’abord la mise en place d’une transition responsable qui convoquera par la suite une rencontre citoyenne que l’on pourra appeler dialogue ou conférence ou forum pour mettre en place les conditions juridiques sur le déroulement de la transition. C’est pourquoi, et je le pense profondément, aller voter, même voter intelligemment, stratégiquement et collectivement, cela, dans ces conditions ne résoudra aucun problème car l’Etat est gangrené.
Si cependant certains de nos concitoyens veulent aller au vote, alors que leur vote soit un acte de contestation organisée et non pas un geste de désintérêt quant à l’avenir de notre pays.
Cela implique :
- une mobilisation massive ;
- une surveillance citoyenne des bureaux de vote ;
- la collecte parallèle des résultats ;
- et surtout, une préparation politique et populaire à la défense des résultats.
Le vote, dans ce contexte, n’est pas une fin. C’est un moyen parmi d’autres dans un rapport de force politique à établir, tous ensemble et sans faux-fuyants.
Réponse : Comment le ToPeSA conçoit-il la participation électorale lorsqu’il est dans une position d’opposition et que ses leaders sont hors du Congo ?
Réponse: L’absence physique de certains leaders ne signifie ni l’absence politique, ni la démission nationale. Justement, le CDRC, par mon entremise et dans les considérations de ToPeSA aura, lorsque l’occasion s’est présentée et elle l’a été à deux reprises, signé avec d’autres des lettres ouvertes appelant à l’unité de l’action politique pour sortir notre pays du fond de cette nasse où il a été relégué, le peuple avec. Nous attendons encore la confluence des signataires des deux lettres, un aboutissement que nous appelons de nos vœux, sans exclure.
Le ToPeSA considère la diaspora comme une composante stratégique du combat politique, et non comme un simple soutien symbolique.
Depuis l’étranger, nous travaillons sur :
- la structuration politique ;
- la mobilisation internationale ;
- la documentation des fraudes et des violations ;
- la pression diplomatique et médiatique.
Sur le terrain national, ce sont les citoyens conscients qui deviennent les acteurs centraux : comités locaux, relais communautaires, observateurs citoyens.
Le ToPeSA repose sur une organisation collective et une conscience populaire, loin d’une hypothétique attente d’un homme providentiel. Le rôle des réseaux sociaux est déterminant pour atteindre le plus grand nombre de congolais et de congolaises.
Question : Dans le passé, certaines élections avaient été organisées et remportées par Jean-Marie Michel Mokoko, et d’autres étaient en voie de victoire pour Guy Brice Parfait Kolelas. Comment analysez-vous ces événements, et quel enseignement le ToPeSA en tire-t-il pour sa stratégie politique actuelle ?
Réponse: Ces deux cas sont fondamentaux pour comprendre la réalité politique congolaise.
En 2016, Jean-Marie Michel Mokoko, semble-t-il, avait gagné l’élection dans les urnes, mais il a perdu face à la force brute, à l’appareil sécuritaire, militaire, judiciaire compromis et à l’absence d’un plan collectif de défense des résultats.
En 2021, Guy Brice Parfait Kolelas était en dynamique de victoire, mais le processus électoral était déjà verrouillé et la mobilisation populaire, fragmentée et désorganisée. Le partenariat conçu à la va-vite n’a pas fonctionné comme il fallait pour diverses raisons.
La leçon est claire :
- remporter une élection dans les urnes pour un opposant au système n’est que de peu de cas, pour le pouvoir en place, cela ne suffit donc pas.
- sans stratégie post-électorale, la victoire reste symbolique.
Le ToPeSA tire de ces événements une conclusion essentielle :
- il faut préparer l’après-vote avant le vote.
Cela suppose une organisation nationale, une coordination populaire, une capacité de résistance civile et un projet politique clair pour le lendemain.
C’est précisément ce que le ToPeSA cherche à construire : une rupture maîtrisée, collective et responsable, et non un simple espoir électoral sans lendemain. C’est pour cela que nous proposons avant tout et pour la sécurité de tout le monde, y compris ceux qui sont au pouvoir, la mise en place d’une transition apaisée dont l’objet essentiel est la restauration de l’État qui garantisse à tous la sécurité des biens et des personnes. Sans cela, tous restent exposés à la vindicte populaire car au Congo, les bourreaux vivent à côté des victimes et jusqu’ici, en toute impunité.
Nous avons donc à dire les choses sans détour : les élections de mars 2026, dans leur configuration actuelle, ne peuvent produire aucune alternance, même factice. Les mêmes mécanismes de fraude, de confiscation du pouvoir et de manipulation institutionnelle sont en place. Faire semblant de l’ignorer serait tromper le peuple.
La stratégie du CDRC dans le cadre de ToPeSA repose donc sur une transition politique maîtrisée, fondée non pas sur l’illusion électorale, mais sur la restauration préalable de l’État. Cette transition ne se décrète pas par un slogan, elle se prépare. Elle repose sur trois axes fondamentaux :
- La construction d’un rapport de force citoyen et politique, structuré, discipliné et conscient ;
- La délégitimation progressive du système à mettre en place ;
- La préparation institutionnelle de l’après-système, pour éviter le chaos et l’improvisation.
La transition politique que nous proposons n’est ni une aventure, ni une rupture anarchique. Elle vise à remettre le pouvoir entre les mains du peuple, dans un cadre ordonné. Concrètement, elle s’articule autour de :
- la mise en place d’une autorité de transition consensuelle, limitée dans le temps pour une période de cinq (5) ans et dans ses prérogatives ;
- la restauration des institutions régaliennes (enseignement, santé, justice, armée, polices, finances publiques, administration) afin qu’elles cessent d’être des instruments partisans ;
- l’apurement de la dette sociale et la réponse aux urgences vitales : salaires, pensions, santé, éducation ;
- l’organisation, à terme, d’élections réellement libres (municipale, législative et présidentielle), avec un fichier électoral fiable, une commission électorale indépendante et un contrôle citoyen effectif.
La transition n’est donc pas une fin en soi, mais un passage obligé pour refonder la République.
Réalisée par Serge Armand Zanzala, Écrivain, chercheur, citoyen engagé, Directeur de La Société Littéraire, Initiateur du projet Kongo Ya Sika
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